LES HOMMES ÉCLAIRÉS DE L'EUROPE ET DE L'AMÉRIQUE

Gian Mario Cazzaniga
Département de philosophie, Université de Pise

«Les principes fondamentaux de toutes les parties de la législation ont été posés, et les hommes éclairés de l'Europe et de l'Amérique sont en état sans doute de donner sur chacune de ces parties des codes, fort supérieurs à tous ceux qui ont jusqu'ici été mis en pratique»1. Le texte que nous citons est tiré díune page des Recherches historiques et politiques sur les États-Unis (1788)2 de Filippo Mazzei, sur laquelle nous reviendrons tout à líheure.

La littérature sur les révolutions américaine et française s'est occupée longuement soit du mythe de l'Amérique dans la culture européenne3, soit des influences de la révolution américaine sur la culture politique et constitutionnelle de la Révolution française4. Nous chercherons ici à analyser plutôt l'influence de la pensée libérale française sur les Constituants des États-Unis à travers les réseaux maçonniques qui ont relié des hommes de la République des Lettres des deux côtés de l'Atlantique, et qui ont favorisé la publication de travaux communs finalisés aux mêmes combats politico-culturels.

Nous venons de citer un texte de Filippo Mazzei. Ce Florentin, familier des réseaux maçonniques, était lié à Scipione Piattoli5, un abbé italien franc-maçon qui sera le père de la constitution libérale polonaise de 1791. Il deviendra líenvoyé à Paris du roi de Pologne pendant la Révolution (1788-92). Mazzei avait été recommandé à celui-ci par Maurice Glayre, ami lui aussi de Piattoli, et secrétaire privé du roi Stanislas Auguste. Glayre, réformateur de la franc-maçonnerie polonaise devint plus tard Grand Maître du Grand Orient helvétique romain6.

Mazzei avait longtemps résidé en Virginie à Colle dans le comté d'Albemarle, où il avait participé activement aux débats sur la Constitution de Virginie7, tout en se liant d'amitié avec Thomas Jefferson, qui habitait tout près de lui à Monticello, ainsi quíavec Mason, Madison et Monroe. Quand il publie le texte que nous venons de citer, il se trouvait à Paris où Jefferson aussi venait d'arriver pour remplacer Benjamin Franklin comme ambassadeur des États-Unis. Ces circonstances permettront à Mazzei, le roturier, de fréquenter néanmoins les milieux libéraux de la noblesse française liés aux whigs londoniens du cercle de lord Stanhope, le duc de La Rochefoucauld qui, aidé par Franklin, avait imprimé le recueil en traduction française des constitutions des États-Unis8, le comte de Mirabeau et le marquis de Condorcet. Mazzei se rapprocha en particulier des cercles maçonniques qui se rencontraient chez la veuve d'Helvétius à Auteuil et qui étaient tous favorables à la révolution des colons américains. On les retrouvera pendant la révolution dans le parti girondin, dans le mouvement théophilanthropique et dans le courant républicain des Idéologues.

Conseillé par Jefferson et Dupont de Nemours, et soutenu par Condorcet, Mazzei venait d'écrire un ouvrage sur les États-Unis qui plaidait en faveur de la révolution américaine. Condorcet et sa femme, Sophie de Grouchy, líavaient aidé à réviser la traduction d'une partie du texte que Mazzei avait díabord écrit en italien. Nous pouvons lire en effet dans ses Mémoires que :

[...] Ceux qui ignoraient (la traduction) croyaient qu'il s'agissait d'un texte original. Seulement la belle Marquise de Condorcet n'était pas convaincue de la traduction de M. Faure et voulait que son mari l'aidât à la refaire. Ne voulant pas intervenir, je m'en allais en laissant dans ses mains le manuscrit avec deux chapitres, celui de la Société de Cincinnatus, qui fut traduit par la Marquise, et celui du général Washington et du Marquis de La Fayette, qui fut traduit par le mari.9

Dans les années 80 on écrivait et on traduisait beaucoup à Paris sur l'Amérique, mêlant les débats culturels à la mode à la lutte politique ; une lutte acharnée qui divisait autant les Européens que les Américains. Mazzei contribuera à la traduction commentée d'un texte de Stevens qui polémiquait avec un livre de John Adams. Ce texte bien représentatif des courants américains favorables au modèle mixte de gouvernement et donc à la tradition anglaise, sera publié quelques mois après son propre ouvrage préfacé (anonymement) par Dupont de Nemours10. Mazzei était en train de travailler à un gros traité sur les États-Unis, commencé à l'hiver 1786-87 et publié en janvier 1788, où il développait des arguments polémiques dirigés contre Mably et contre Raynal. Ces derniers en effet avaient écrit sur les États-Unis l'esprit fixé sur la tradition classique et la tradition anglaise ; ne disposant que de renseignements insuffisants sur la réalité de l'Amérique du Nord, ils aboutissaient parfois à des absurdités comme celles que Buffon soutenait déjà sur la géographie, sur les plantes et sur les animaux du Nouveau Monde. Les mêmes raisons, dans la même période, pousseront Jefferson à écrire ses Notes sur la Virginie11. Il s'agit d'une querelle qui a été longuement étudiée12 et sur laquelle nous ne reviendrons pas.

Ce qui nous intéresse ici est plutôt la Société de Cincinnatus13, dont nous parle Mazzei, un épisode qui renvoie à un remarquable travail d'équipe organisé par des Gens de Lettres révolutionnaires euro-américains. Après la victoire dans la Guerre d'Indépendance, le général Washington qui constituait une référence pour les milieux conservateurs américains favorables à la reconstruction díune alliance avec les Anglais, chercha à bâtir une nouvelle classe dirigeante. Il voulut regrouper les officiers qui avaient participé à la Guerre d'Indépendance, y compris les volontaires européens, dans une association, The Order of Society of Cincinnati. Celle-ci devait disposer díun budget (auquel contribuait chacun des militaires en cédant un mois de solde), était dotée de décorations et díune médaille propre (un aigle d'or avec un ruban bleu et blanc, couleurs qui rappelaient l'aide de Louis XVI aux insurgés) et enfin devait tenir des cérémonies périodiques, avec le droit de transmission héréditaire de la médaille au fils aîné ou au premier descendant.

Le danger quíil y avait à recréer une noblesse díépée, ce qui sera plus tard le fondement du projet impérial napoléonien, était évident. L'âme égalitaire des républicains américains et de leurs amis européens síinsurgea14, et une campagne internationale pour dénoncer et discréditer le projet de Washington fût bientôt organisée. Il faut cependant remarquer quíaussi bien Washington que Franklin, le principal orchestrateur de la campagne díopposition au projet de Washington, et qui deviendra, à Paris, Vénérable Maître de la célèbre loge « Les Neuf Sœurs » (1779-81), étaient tous deux des dirigeants de la franc-maçonnerie américaine. Les loges constituaient dans cette période un lieu de sociabilité et un laboratoire politico-culturel importants, mais il faut toujours distinguer entre les différents réseaux qui opéraient à l'intérieur de l'archipel maçonnique. À Londres, Benjamin Vaughan et Richard Price faisaient partie de la coterie maçonnique pro-américaine de Lord Shelburne et étaient liés à Benjamin Franklin, le vrai metteur en scène de l'opération quíil avait lancée chez lui, à Paris, de sa villa de Passy. Ils remirent au comte de Mirabeau, un frère de la loge parisienne « Les Neuf Sœurs », une vaste documentation. Mirabeau avait déjà reçu de Franklin un petit livre d'Ædanus Burke15 critiquant la Cincinnati Society. Il développa líouvrage, aidé par Chamfort qui lui aussi appartenait à la loge des Neuf Sœurs, et le durcit jusquíà en faire un pamphlet fougueux16, immédiatement traduit en anglais par Sir Samuel Romilly qui faisait partie de la même coterie. La qualité littéraire du plaidoyer républicain de Mirabeau était excellente et nous montre toute la force des valeurs égalitaires dans la lutte des hommes des Lumières contre l'Ancien Régime, où des échos de Montesquieu se transforment en déclarations révolutionnaires : Une fierté invincible ; un courage indomptable ; une liberté de principes & de pensées qui ne se soumette qu'à la raison seule, & qui repousse tout autre empire ; une indépendance qui ne cède ni aux plaisirs ni aux peines de l'opinion…telle est l'âme d'un Républicain…Que peut avoir de commun un tel homme avec des signes, des formules, des prérogatives de rang, des bienséances ? Il ne peut qu'en être indigné & blessé…Dans la Monarchie tout tend à l'élévation ; dans la République, tout doit tendre à l'égalité. Dans la première il faut des rangs : dans la seconde, des vertus. Dans l'une il est bon que les Citoyens soient divisés en corps ; leur esprit particulier supplée à l'esprit général ; leur émulation, même en les divisant, peut les rendre utiles… dans l'autre, tout ce qui divise, ébranle ; tout ce qui sort du niveau, pèse sur le reste ; il ne faut qu'un corps, qu'un esprit … que chaque citoyen ne voie au-dessous de lui que le vice ; au-dessus, que la loi17.

Ce pamphlet brillant fit beaucoup pour augmenter les difficultés de Washington, devenu alors le Grand Maître de la Cincinnati Society. Celui-ci était déjà en butte, aux États-Unis, aux protestations élevées par plusieurs assemblées provinciales, protestations que le pamphlet relève méticuleusement. Il faut souligner que le texte de Mirabeau reprend aussi une lettre de Turgot à Price sur la révolution américaine, ce même Turgot que Condorcet considérait comme son maître et que Mirabeau admirait également18. On comprend mieux alors que les Condorcet se soient directement occupés de la traduction des pages de Mazzei, ou plus probablement de réécrire les pages du texte qui ne concernaient pas seulement Washington mais aussi le marquis de Lafayette. Celui-ci avait été le témoin de Condorcet à son mariage (28 décembre 1786) et nous le retrouverons, líannée suivante, avec Condorcet, La Rochefoucauld, Dupont de Nemours et Mazzei, comme membre de la Société de 8919. En effet, le texte feint de critiquer Mirabeau, défend la bonne foi de Washington et surtout de Lafayette qui níavait simplement fait quíaccepter le cadeau de la médaille, mais en substance il continue à dénoncer le danger de bâtir une nouvelle aristocratie aux États-Unis, bien quíen réalité ce danger eût déjà diminué grâce à cette campagne critique internationale.

Le marquis de Condorcet avait entretemps confié à Mazzei deux textes qui paraîtront sous líanonymat dans le recueil de Mazzei mais qui seront republiés sous son nom dans les écrits posthumes de Condorcet, que ce soit dans les Œuvres complètes (1801-04) éditées par la Marquise de Condorcet, ou dans les Œuvres (1847-49) éditées par la fille de Condorcet. Le premier texte est constitué par les Lettres d'un Bourgeois de New-Haven à un citoyen de Virginie, sur l'inutilité de partager le pouvoir législatif entre plusieurs corps20. Le deuxième est LíInfluence de la Révolution d'Amérique sur les opinions et la législation de l'Europe … par un habitant obscur de l'ancien hémisphère… (dédié) à M. le Marquis de La Fayette qui à l'âge où les hommes ordinaires sont à peine connus dans leur société, a mérité le titre de Bienfaiteur des deux Mondes21. Cette dédicace de Condorcet-Mazzei nous rappelle la comtesse d'Houdetot saluant Franklin comme « Législateur d'un monde et bienfaiteur de deux » et témoigne de l'estime et de l'amitié qui liaient entre-eux les trois révolutionnaires, libéraux et maçons22. Relisons derechef le texte que nous avons cité précédemment, publié par Mazzei mais qui est bien de Condorcet : Les principes fondamentaux de toutes les parties de la législation ont été posés, et les hommes éclairés de l'Europe et de l'Amérique sont en état sans doute de donner sur chacune de ces parties des codes, fort supérieurs à tous ceux qui ont jusqu'ici été mis en pratique. Mais la science de la législation est bien loin d'être portée à son plus haut point. Comme toutes les autres, elle offre à l'esprit une moisson inépuisable de vérités nouvelles ; dans cette science, comme dans toutes les autres, l'esprit humain doit faire des progrès toujours nouveaux, marcher sans cesse vers le terme, s'en approcher, mais ne l'atteindre jamais23.

On trouve dans ce texte un excellent résumé d'une philosophie de l'histoire fondée sur le principe de perfectibilité24, une théorie cumulative et ascendante du progrès, déjà soutenue par Turgot, et que Condorcet voyait confirmée par les travaux collectifs de la République des Lettres, ou plutôt de la République des Sciences, tel quíil líappellera dans ses derniers travaux en renouant avec l'idéal baconien de la Maison de Salomon25. On y trouve aussi une appréciation de la Constitution des États-Unis en tant que réalisation pratique des droits naturels26, une réalisation due au fait que les Constituants représentent un peuple nouveau non corrompu par les préjugés et pourtant réceptif en regard des principes de la raison. En exprimant ces convictions Condorcet reprenait l'enseignement de Turgot qui dans sa Lettre à Price écrivait : Il est impossible de ne pas faire des vœux pour que ce peuple parvienne à toute la prospérité dont il est susceptible. Il est l'espérance du genre humain…Il doit donner l'exemple de la liberté politique, de la liberté religieuse, de la liberté du commerce & de l'industrie. L'asyle qu'il ouvre à tous les opprimés de toutes les nations doit consoler la terre…Tous les hommes éclairés, tous les amis de l'humanité, devroient en ce moment réunir leurs lumières, & joindre leurs réflexions, à celles des sages Américains, pour concourir au grand ouvrage de leur législation27. Il s'agissait d'un idéal commun à tous « les hommes éclairés de l'Europe et de l'Amérique », si bien que le franc-maçon napolitain Gaetano Filangieri, fils du prince d'Arianello, en voyant se réaliser dans le Congrès américain ces idéaux de la nouvelle société qui animaient les loges européennes, demandait à Franklin d'être associé à l'équipe en train de travailler, aux États-Unis, à la nouvelle codification.

Est-ce que mes travaux sur la législation pourraient vous convaincre à m'inviter à participer aux travaux du Grand Code qu'on élabore dans les Provinces Unies d'Amérique, dont les lois doivent décider non seulement de leur destinée, mais de la destinée aussi de ce Nouveau Hémisphère ?… De l'asyle de la vertu, de la patrie des héros, de la cité des frères, est-ce que je pourrais jamais désirer mon retour dans un pays corrompu par les vices et dégradé par la servitude ? 28 Quand Filangieri nous parle dans sa lettre d'un Grand Code, il se réfère aux Constitutions des États qui venaient de se libérer, et dont on était en train de traduire les textes dans toutes les langues européennes29. Mais cette expression est employée souvent dans les écrits de la période comme synthèse d'une œuvre générale de cette nouvelle législation qui était justement l'objectif de tous « les hommes éclairés de l'Europe et de l'Amérique ».

On retrouve ce même esprit dans les textes de Condorcet sur la révolution américaine. Díun côté ils développent une conception de l'Amérique en tant que laboratoire de réformes où la construction d'une société républicaine fondée sur les droits naturels, favorisée par l'absence d'un héritage de despotisme et de superstitions, constitue la confirmation des théories européennes des Lumières et l'anticipation de leurs applications possibles. De l'autre côté ils témoignent du travail d'organisation développé par un réseau transocéanien d'une République des Lettres qui aspirait désormais à se transformer en un sujet politique révolutionnaire.

La Lettre de Turgot à Price du 22 mars 1778 que nous venons de citer était en réalité critique en regard des constitutions des treize États américains ; ceci sur trois points importants, au moins : la structure constitutionnelle trop partagée, le confessionalisme et, enfin, les monopoles commerciaux. Concernant la question religieuse il existait en effet dans la majorité des États des privilèges confessionnels et des discriminations envers les minorités ; ces discriminations, différentes selon la différente majorité confessionnelle, furent refoulées par la constitution fédérale de 1787 instituant la liberté de culte que seule auparavant la constitution de la Virginie proclamait. Quant aux monopoles il s'agissait d'un résidu mercantiliste que Turgot dénonçait de façon cohérente avec sa culture physiocrate. Le débat durera longtemps, au-delà des affirmations de principe sur la liberté de commerce que tout le monde s'empressait de faire. Au sujet des pouvoirs quíil jugeait trop partagés, Turgot écrivait que : Au lieu de ramener toutes les autorités à une seule, celle de la nation, l'on établit des corps différents, un corps de Représentants, un conseil, un Gouverneur ; parce que l'Angleterre a une Chambre des Communes, une Chambre Haute & un Roi. On s'occupe à balancer ces différents pouvoirs ; comme si cet équilibre de forces qu'on a pu croire nécessaire pour balancer l'énorme prépondérance de la Royauté, pouvoit être de quelque usage dans des Républiques fondées sur l'égalité de tous les Citoyens30.

Les mêmes questions se retrouvent souvent dans les réflexions de Condorcet ainsi que nous pouvons le constater dans l'Esquisse (neuvième époque), encore : On vit alors, pour la première fois, un grand peuple délivré de toutes ses chaînes se donner paisiblement à lui-même la constitution et les lois qu'il croyait les plus propres à faire son bonheur ; et comme sa position géographique, son ancien état politique, l'obligeaient à former une république fédérative, on vit se préparer à la fois dans son sein treize constitutions républicaines, ayant pour base une reconnaissance solennelle des droits naturels de l'homme, et pour premier objet la conservation de ces droits. Nous tracerons le tableau de ces constitutions ; nous montrerons ce qu'elles doivent aux progrès des sciences politiques, et ce que les préjugés de l'éducation ont pu y mêler des anciennes erreurs ; pourquoi, par exemple, le système de l'équilibre des pouvoirs en altère encore la simplicité ; pourquoi elles ont eu pour principe l'identité des intérêts, plus encore que l'égalité des droits31. Il s'agissait d'une réflexion sur les droits naturels qui allait plus loin que ne l'auraient cru les libéraux français, tels que Turgot, Mirabeau et Condorcet. D'un côté, la révolte des colonies anglaises préfigurait une nouvelle division internationale du commerce, un ordre nouveau du monde que Turgot avait déjà lucidement aperçu en 1776, écrivant : Il en résultera lorsque l'indépendance des colonies sera entière et reconnue par les Anglais même, une révolution totale dans les rapports de politique & de commerce entre l'Europe et l'Amérique, & je crois fermement que toutes les métropoles seront forcées d'abandonner tout empire sur leurs colonies32.

De l'autre côté, la question des droits naturels posait la difficile question des rapports entre l'espace de liberté de l'individu, dont les droits naturels passaient avant le pacte de citoyenneté, et l'espace social des institutions publiques qui devait assurer les conditions matérielles et spirituelles du peuple pour garantir le droit de tous à la recherche du bonheur (the pursuit of Happiness) affirmé par la Constitution même des États-Unis33. C'est bien cet espace social qui était un des objectifs du Grand Code, de l'œuvre législative continuelle à laquelle devaient contribuer « les hommes éclairés de l'Europe et de l'Amérique », et ce sera au sujet des formes de la participation populaire et des instruments de réalisation de cet espace social que la Révolution française se séparera de l'expérience américaine, où les positions de Adams et de Washington finiront par líemporter sur celles de Jefferson et de Franklin.

Parmi les révolutionnaires français les divisions seront également profondes. Dans l'Influence de la Révolution d'Amérique sur l'Europe, Condorcet distinguait quatre grands droits de l'homme : la sûreté de sa personne ; la sûreté de la jouissance libre de sa propriété où la liberté personnelle se prolongeait jusqu'à la liberté universelle de commerce ; le droit de n'être soumis qu'à des lois générales s'étendant à l'universalité des citoyens ; le droit de contribuer à la confection de ces lois, qui est une conséquence nécessaire de l'égalité naturelle et primitive de l'homme34. En ce qui concerne le dernier droit il manifestait la conviction que le problème était díinstruire le peuple afin de le rendre capable de participer consciemment à cette œuvre collective de législation, à l'intérieur d'une longue stratégie de civilisation. Il soutiendra les mêmes idées dans la bataille sur líorientation de l'instruction publique, où les positions jacobines favorables à l'apprentissage de la vertu, c'est-à-dire à la réforme des mœurs et à la participation du peuple à la vie publique à travers les fêtes civiques, prévaudront sur celles de Condorcet et de Romme favorables à la diffusion des Lumières, cíest-à-dire des sciences comme instrument de libération pour tous les êtres humains. L'hégémonie des Idéologues sur les institutions scolaires, primaires et supérieures, signera la victoire des « mœurs » sur les « lumières » dans une nouvelle forme idéologique de la théorie des intérêts, celle de l'homo œconomicus35. Mais la question d'une longue stratégie de civilisation entrevue par Condorcet continuera à se poser.

Il avait écrit en 1788 dans son Influence de la Révolution d'Amérique sur l'Europe : [...] Occupé à méditer depuis longtemps sur les moyens d'améliorer le sort de l'humanité, je n'ai pu me défendre de croire qu'il n'y en a réellement qu'un seul, c'est d'accélérer le progrès des Lumières36.

NOTES

1. Condorcet, Lettres d'un Bourgeois de New-Haven sur l'unité de la législation, Paris, Fayard, 1986, p. 244-45 ; sur l'histoire du texte v. infra, note 3.

2. Filippo Mazzei, Recherches historiques et politiques sur les États-Unis de l'Amérique septentrionale Où l'on traite des établissements des treize Colonies, de leurs rapports & de leurs dissensions avec la Grande-Bretagne, de leurs gouvernements avant & après la révolution &c. par un citoyen de Virginie. Avec quatre Lettres d'un Bourgeois de New Heaven (sic) sur l'unité de la législation. À Colle… 1788, volumes I-IV in-gr. 16º ; le lieu d'édition « À Colle », en réalité Paris (chez Froullé, libraire, quai des Augustins…), était le nom de la propriété de Mazzei en Virginie, tout près de Monticello. Le texte, Lettres d'un Bourgeois de New-Haven, qui est de Condorcet, a été récemment réimprimé dans le Corpus des Œuvres de philosophie en langue française, édition díaprès laquelle nous citons : Condorcet, Sur les élections et autres textes, Paris, Fayard, 1986 (Lettres d'un Bourgeois de New-Haven à un citoyen de Virginie, sur l'inutilité de partager le pouvoir législatif entre plusieurs corps, ibid., p. 203-72).

3. Gerbi A., La disputa del Nuovo Mondo, Milano-Napoli, Ricciardi, 1955, 1982, tr. esp. México 1960, 1982, tr. angl., Pittsburg, Pittsburg U. P., 1973 ; O'Gorman E., The Invention of America : an Inquiry into the Historical Nature of the New World and the Meaning of History, Bloomington, Indiana U. P., 1961 ; Pagden A., The Fall of natural Man : the American Indian and the Origins of comparative Ethnology, Cambridge, Cambridge U. P., 1982 ; Zavala S., La filosofía politica en la Conquista de América, Fondo de cultura economica, México 1984 ; v. aussi Chinard G., L'Amérique et le rêve exotique dans la littérature francaise au XVIIe et XVIIIe siècle, Paris, Hachette, 1913.

4. Chinard G., Notes on the American Origins of the Déclaration des droits de l'homme et du citoyen, Proceedings of the American Philosophical Society, vol. 98 nº 6 (dec. 1954) p. 383-96 ; Venturi F., Settecento riformatore, v. IV : La caduta dell'Antico Regime (1776-1789), t. 1 : I grandi Stati dell'Occidente, Torino, Einaudi, 1984, cap. 1 : Libertas americana, p. 3-145 ; Conac G., L'influence des déclarations américaines et de la constitution des États-Unis dans l'histoire constitutionnelle française…, in Droit constitutionnel et droits de l'homme, Economica-P. U. d'Aix-Marseille, 1987, p. 423 ss. ; Baker K. M., « The Idea of Declaration of Rights », in Van Kley D. ed., The French Idea of Freedom. The Old Regime and the Declaration of Rights of 1789, Stanford, Stanford U. P., 1994, p. 154-96.

5. D'Ancona A., Scipione Piattoli e la Polonia, Firenze, Barbera, 1915 ; Bozzolato G., Polonia e Russia alla fine del secolo XVIII (Scipione Piattoli : un avventuriero onorato), Padova 1964 ; Berti S., Un abate italiano da riformatore a rivoluzionario : Scipione Piattoli autore dell' « Essai sur la nature et les bornes de la subordination militaire », RSI XCII nº 1 (mars 1980) p. 208-34 ; Fabre J., Stanislas-Auguste Poniatowski et l'Europe des Lumières. Étude de cosmopolitisme, Paris, Les Belles Lettres, 1952 ; Mazzei F., Memorie…, vol. I, p. 309-12 (sur ce texte, v. infra, note 9).

6. Sur Glayre et la franc-maçonnerie polonaise v. Berti S., art. cit., p. 212-15; cf. aussi Mnemon St., La franc-maçonnerie et Stanislas-Auguste Poniatowski, Krakow, 1909 et Fabre J., Stanislas-Auguste Poniatowski et l'Europe des Lumières…, éd. cit., p. 95-97, 496-501.

7. Recueil des lois constitutives des Colonies Anglaises confédérées…, Paris, 1778 et Constitutions des treize États-Unis de l'Amérique, Philadelphie-Paris, Pierre et Pissot, 1783. Ce sera cette deuxième édition qui sera la plus lue avant la Révolution et la plus employée par les Constituants.

8. Tortarolo E., Filippo Mazzei e la Rivoluzione americana. Alcuni documenti inediti, RSI XCII f. II (juin-août 1980) p. 186-200.

9. Mazzei F., Memorie della vita e delle peregrinazioni del fiorentino Filippo Mazzei (mss. 1810-13), con documenti storici sulle sue missioni politiche come agente degli Stati Uniti d'America, e del re Stanislao di Polonia, Capponi G. éd., vv. I-II, Lugano 1845-46 et rééd. Aquarone A. éd., vv. I-II, Milano, Marzorati, 1970, ib., vol. I p. 307-08 ; sur la faiblesse de cette réédition, v. Rotta S., L'illuminismo a Genova : Lettere di P. P. Celesia a F. Galiani, La Nuova Italia, Firenze s. d. (197…), v. I pp. 218-19 ; tr. angl. Memoirs of the Life and Peregrinations of the Florentine Philip Mazzei, 1730-1816, Marraro H. R. éd., New-York, Colombia U. P., 1942 ; v. aussi Garlick R. C., Philip Mazzei, Friend of Jefferson : His Life and Letters, Baltimore-London 1933 ; Mazzei F., Scelta di scritti e lettere, Marchione M. et al. éds., vv. I-III, Prato, Cassa di Risparmi e Depositi di Prato, 1984 ; Tortarolo E., Illuminismo e rivoluzioni. Biografia politica di Filippo Mazzei, Milano, Angeli, 1986.

10. John Stevens. Observations on government, including some animadversions on Mr. Adam's Defense on Constitutions… and on Mr. Delolme's Constitutions of England… written by a Farmer of New Jersey, New York 1787; tr. fr. Examen du gouvernement d'Angleterre, comparé aux constitutions des États-Unis. Où l'on réfute quelques assertions contenues dans l'ouvrage de M. Adams, intitulé : Apologie des Constitutions des États-Unis d'Amérique, et dans celui de M. Delorme, intitulé De la Constitution d'Angleterre. Par un cultivateur de New Jersey, Londres, et se trouve à Paris, chez Froullé, 1789 ; « [...] les notes à la critique de Mr. Livingston ont été écrites par Dupont (de Nemours), par Condorcet, par Gallois, par l'abbé Piattoli et par moi… » in Mazzei F., Memorie, vol. I, p. 290 ; les notes de cette traduction anticipent sur plusieurs points les débats futurs des Constituants. Sur la paternité du texte de Stevens, attribué par les traducteurs français à William Livingston, gouverneur du New Jersey, v. Palmer R. R., The Age of Democratic Revolution. A political History of Europe and America, 1760-1800, vol. 1: The Challenge, New-Jersey, Princeton U. P., 1959, p. 279-82.

11. Jefferson Th., Observations sur la Virginie, Paris, 1786 ; Notes on the State of Virginia, London 1787 ; Works, vol. III, New-York-London, 1904. Jefferson avait écrit ces Notes aux États-Unis et en avait imprimé 150 copies à Paris en 1785 pour les distribuer aux amis. L'abbé Morellet en tira une traduction très libre, supprimant un projet de constitution pour la Virginie, rédigé par Jefferson en 1783. Ce texte parut dans LíEncyclopédie Méthodique : Économie Politique, ad vocem « Virginie », traduit par Jean-Nicolas Démeunier ; v. Gerbi A., La disputa del Nuovo Mondo, éd. cit. p. 352-75 et cf. aussi Mazzei F., Memorie, vol. I, p. 305-06.

12. V. supra, note 4.

13. De la société de Cincinnatus, Mazzei F., Recherches historiques…, éd. cit., vol. IV, chap. VIII, p. 102-114.

14. « […] l'établissement rapide & imprévu de la société de Cincinnatus a jeté dans le plus grand effroi tous les amis de la liberté, qui ont réfléchi sur les conséquences qu'il pouvait avoir… » ibid., p. 102 ; sur les premiers débats critiques aux États-Unis v. Hume E. E., Early opposition to the Cincinnati, Americana, XXX nº 4 (oct. 1933) p. 597 ss

15. Burke Æ., Considerations on the society or order of Cincinnati, lately instituted by the Major-Generals, Brigadier-Generals and other officers of the American army, proving that it create a race of hereditary Patrician or Nobility ; interspersed with remarks on its consequences to the freedom and happiness of the Republic. Addressed to the people of South-Carolina, and their representatives, by Cassius. Supposed to be written by Ædanus Burke, Esquire, one of the Chief Justices of the State of South Carolina, Philadelphia, R. Bell, 1783.

16. Mirabeau, Honoré-Gabriel de Riquetti, comte de, Considérations sur l'ordre de Cincinnatus ou Imitation d'un Pamphlet Anglo-américain par le Comte de Mirabeau, suivies .. d'une Lettre signée du Général Washington .. et d'une Lettre de feu M. Turgot .. au Docteur Price, sur les Législations Américaines .. , J. Johnson, Londres 1784 (l'Avis est daté : Londres, 20 septembre 1784) ; on y trouve la lettre de Turgot à Price du 22 mars 1778, ibid. p. 183-203, que Richard Price avait publiée, après la mort de Turgot, à la fin de son pamphlet en faveur de la révolution américaine, Observations on the Importance of the American Revolution and the Means of making it a benefit to the World, London 1784, cf. ibid. p. 96 ; la lettre de Turgot se référait à Observations on Civil Liberty de Price, dont il avait reçu une copie par Benjamin Franklin. Il faut rappeler que la publication de cette lettre de Turgot, qui soutenait la centralisation des pouvoirs d'État, et jugeait líordonnancement constitutionnel des États-Unis trop partagé et trop semblable à celui de la Grande-Bretagne, avait provoqué une longue critique de John Adams dans son ouvrage, A Defense of the Constitutions of Government of the United States of America, against the attack of M. Turgot in his Letter to Dr. Price dated the twenty-second day of March 1778, vv. I-III, C. Dilly-J. Stockdale, London-Boston 1787-88. Adams y préferait un système d'équilibre des pouvoirs selon les mêmes lignes que soutenait son ami G. B. de Mably dans ses Observations sur le gouvernement et les lois des États-Unis d'Amérique, Amsterdam, 1784. Cet ouvrage d'Adams fut critiqué à son tour par John Stevens, dont nous avons cité la traduction française, enrichie de notes, cf. supra note 10. Sur cette affaire de la République des Lettres v. aussi Palmer R. R., The Age of Democratic Revolution…, éd. cit. p. 263-82 et Valentin A., Mirabeau avant la Révolution, Paris, Grasset, 1946, p. 292-319.

17. Mirabeau, Considérations sur l'ordre de Cincinnatus, éd. cit., p. 22-26.

18. La lettre sera republiée par Mazzei comme Mémoire de Turgot sur la manière dont la France et l'Espagne doivent envisager les suites de la querelle entre la Grande-Bretagne & ses colonies (6 avril 1776), Recherches historiques… éd. cit., vol. III, p. 217-82. Condorcet appellera Turgot « … un des hommes les plus grands & les plus vertueux qui ayent honoré l'espèce humaine ». Ibid., vol. IV, p. 224. Mirabeau à son tour, en se référant favorablement à Jérusalem de Mendelssohn, écrivait : « Le lecteur instruit sera peut-être étonné de retrouver presque littéralement dans cette courte et rapide analyse le préambule de líActe de la république de Virginie qui, au commencement de cette année, a établi dans son sein la liberté absolue de religion, et líexposition des principes de M. Turgot sur la tolérance religieuse telle quíon la lit dans líouvrage publié naguère sur sa vie… », Sur Moses Mendelssohn, sur la réforme politique des Juifs, et en particulier sur la révolution tentée en leur faveur en 1753 dans la Grande- Bretagne, par le Cte de Mirabeau, Londres 1787, p. 27, où il se réfère justement à Condorcet, Vie de M. Turgot, Londres 1786, p. 135-37.

19. Sur la participation de Mazzei à la Société de 89, v. Tortarolo E., Illuminismo e rivoluzioni…, éd. cit., p. 168-77.

20. Mazzei F., Recherches historiques… éd. cit., vol. I, p. 267-371.

21. Ibid., vol. IV, p. 237-83.

22. La présence de Condorcet dans une loge n'a pas été documentée, mais elle nous semble présumable, cf. Crémène M., La deuxième réception de Condorcet, « Le Maillon de la Chaîne maçonnique », 26 (1989/2) p. 45-60, où est décrite la cérémonie d'initiation ad memoriam faite le 17 janvier 1989 chez le Grand Orient de France, en s'appuyant sur LíAnnuaire de 1838 de la Loge Les Neufs Sœurs [Paris 1838], où nous trouvons Condorcet à la p. 65 de la « Liste supplémentaire des FF. qui, quoique non portés sur les deux tableaux qui precèdent, ont aussi fait partie de la L.: Les Neufs Sœurs soit avant ou après 1806 ».

23. Ibid., vol. IV, p. 244-45.

24. « Enfin, on y vit se développer une doctrine nouvelle qui devait porter le dernier coup à l'édifice chancelant des préjugés : c'est celle de la perfectibilité indéfinie de l'espèce humaine, doctrine dont Turgot, Price et Priestley ont été les premiers et les plus illustres apôtres… », Condorcet, Esquisse d'un Tableau historique des progrès de l'esprit humain. Ouvrage posthume, (neuvième époque), chez Agasse, Paris, L'an III (1795), réimpr. par Alain Pons, Paris, Flammarion, 1988, p. 231.

25. Condorcet, Fragment sur l'Atlantide ou Efforts combinés de l'espèce humaine pour le progrès des sciences, dans Esquisse…, éd. cit., p. 297-348; v. aussi Waquet Fr., Condorcet et les idéaux de la République des Lettres, MEFRIM, t. 108 (1996/2) p. 555-69.

26. Condorcet continue en développant un parallèle entre la renaissance des droits naturels dans la théorie de Montesquieu et la législation de 1776 comme renouvellement pratique, v. Id., Influence de la Révolution d'Amérique sur l'Europe …, éd. cit., p. 246-49.

27. Lettre de M. Turgot, ministre d'État en France, à M. le Docteur Price, dans Mirabeau, Considérations sur l'ordre de Cincinnatus…, éd. cit., p. 200-01.

28. Lettre de Gaetano Filangieri à Benjamin Franklin. Naples, le 2 decembre 1782, « Illuministi Italiani », T. V, Riformatori Napoletani, Venturi F. éd., Milano-Napoli, Ricciardi, 1962, p. 776-77 ; cf. Filangieri G., La Scienza della Legislazione, t. 1-8, Napoli, Nella Stamperia Raimondiana, 1780-91 ; dans ces années on traduisait la Science de la Législation en allemand, Anspach, 1784-93, en espagnol, Madrid, 1787-88, en français, par J.-A. Gallois, Paris, 1786-91, en anglais, Londres 1806. Le texte sera diffusé par Piattoli en Pologne, où il sera traduit en 1791, et influencera les projets de constitution dans toute l'Amérique latine, ainsi qu'il le sera plus tard étudié par Benjamin Constant dans son Commentaire sur l'ouvrage de Filangieri, v. I-II, Paris, Dufart, 1822.

29. Après qu'en France le duc de la Rochefoucauld, conseillé par Franklin, eut publié en traduction les Constitutions des treize États-Unis de l'Amérique, Philadelphie (= Paris), 1783 et leur commentaire, ces textes furent en partie publiés en italien (janvier 1784) par les florentines « Notizie del Mondo » en tant que Estratto del nuovo codice delle costituzioni de' Tredici Stati Uniti dell'America Settentrionale (encore le « Nouveau Code »…) puis repris par la « Scelta Miscellanea » à Naples, cf. Venturi F., Libertas americana, éd. cit. p. 66 et 31, n. 22.

30. Lettre de M. Turgot, éd. cit., p. 190-91.

31. Condorcet, Esquisse d'un Tableau historique des progrès de l'esprit humain, éd. cit., p. 234.

32. Turgot, Réflexions rédigées à l'occasion du Mémoire sur la manière dont la France et l'Espagne doivent envisager les suites de la querelle entre la Grande-Bretagne& ses colonies, dans Mazzei F., Recherches historiques… éd. cit., vol. III, p. 275 ; il s'agit d'un Mémoire au Roi du 6 avril 1776, écrit en réponse à un Mémoire de Vergennes sur les mêmes questions, ibid., p. 217-82.

33. « Nous tenons pour évidentes par elles-mêmes les vérités suivantes, que tous les hommes sont créés égaux, qu'ils sont doués par le créateur de certains droits inaliénables, parmi lesquels il y a la vie, la liberté et la recherche du bonheur… » (We hold these truths to be self-evident, that all men are created equal, thay they are endowed by their creator with certain unalienable Rights, that among these are Life, Liberty and the pursuit of Happiness…).

34. Condorcet, Influence de la Révolution d'Amérique sur l'Europe, éd. cit., p. 240-41 ; on trouve la même analyse et parfois les mêmes mots dans son projet de Déclaration des droits (février 1789) où Condorcet, dans la section « Pour le droit d'égalité naturelle », affirme que « tout citoyen doit jouir également du droit de cité ; en conséquence chacun doit exercer une influence égale dans la partie de l'établissement d'une puissance publique & de la confection des lois à laquelle tous les citoyens concourent immédiatement… », v. Rials St. éd., Déclaration des droits de l'homme et du citoyen, Paris, Hachette, 1988, p. 549-50.

35. Procès-verbaux du Comite d'Instruction Publique publiés et annotés par J. Guillaume, édition nouvelle présentée, mise à jour et augmentée par J. Boulad-Ayoub et M. Grenon, vv. I-IX, Paris, L'Harmattan, 1997 ; Boulad-Ayoub J., La fonction politique du projet pédagogique des Idéologues (de Daunou à la Décade philosophique), in « Les Idéologues (1795-1802) et leur postérité », Cerisy-La-Salle, 1-8 septembre 1998 (ronéot.).