GOUVERNANCE : UN CONCEPT APOLITIQUE ? Bonnie Campbell Communication pour la Table ronde Mardi 29 août 2000 Séminaire d'été du Haut Conseil de la Coopération
Internationale Dourdan, France Ce texte est une version légèrement
modifiée d'une contribution à l'ouvrage collectif : Gouvernance,
réformes institutionnelles et l'émergence de nouveaux cadres
normatifs dans les domaines social, politique et environnemental,
B. Campbell, F. Crépeau, L. Lamarche. Introduction Cette communication se propose trois objectifs :
1. LE CONCEPT DE "GOUVERNANCE" Il y aurait au moins trois éléments qui contribueraient à l'ambiguïté et la confusion réelle qui existe autour du concept de gouvernance tel qu'utilisé par les institutions de Bretton Woods pour désigner, tout en recouvrant des contenus divers : "un ensemble de prescriptions en matière de gestion administrative et politique".
D'où vient le concept de gouvernance? Au 13e siècle le terme apparaît dans la langue française comme équivalant à gouvernement, puis comme terme de droit (1478), pour s'employer au sens large de "charge de gouvernante " (1679).(1) Les origines françaises de " gouvernance " ne font donc aucun doute. Cependant, dans le contexte récent de la mondialisation, l'utilisation de ce concept a des origines assez différentes car il sera repris du terme anglophone " governability " utilisé au milieu des années 70. En effet, comme instrument de gestion sociale et politique, le terme sera introduit dans le Rapport de la Commission Trilatérale de mai 1975 qui portait sur la " Governability of Democracies " et était appliqué à l'Europe, aux États Unis, et au Japon.(2) Il en est résulté une tentative de mieux arrimer les revendications démocratiques et les attentes redistributives aux régimes capitalistes occidentaux de l'époque, afin d'assurer un nouveau mode de gestion de l'ordre social. Le lourd héritage laissé par l'économie internationale d'endettement des années 70 explique le rôle prépondérant des institutions de financement multilatérales (FMI et Groupe de la Banque mondiale) et leur intervention croissante dans la détermination des politiques des pays endettés. Cependant, à la fin des années 80, après une décennie de stratégies de libéralisation qui visaient la relance des économies des pays sous ajustement structurel, les performances mitigées de celles-ci provoqueront une réflexion qui cherchera à mieux ancrer et légitimer des interventions devenues de plus en plus multiformes et complexes. Les solutions proposées par la Banque mondiale, qui assumera le rôle de leadership dans le domaine des réformes institutionnelles, seront formulées dans Governance and Development (1992) et Governance. The World Bank's Perspective (1994). Les préoccupations de la Banque mondiale de cette époque étaient basées sur des impératifs d'ordre administratif, alors que les agences bilatérales (USAID, ACDI, ODA, etc.) étaient surtout préoccupées par l'ordre du jour " démocratique -libéral " qui visait à renouer avec une base politique domestique pour l'assistance au développement. Par opposition au ton plutôt plus provocateur et militant des bailleurs des fonds bilatéraux qui cherchent à instaurer des conditionnalités politiques pour favoriser la " démocratisation ", notamment par la création de systèmes multipartites et la défense des libertés civiles, lesquels sont vues comme des éléments indispensables au " bon gouvernement ", la position de la Banque mondiale concernant la " governance " est beaucoup plus mesurée et évite le piège de préconiser telle ou telle forme de gouvernement comme préalable à la " good governance ". Ainsi, le concept de "governance" est défini de façon assez large :
Le document établit une distinction entre trois aspects de " governance ":
Conformément à sa vocation première de banque, la Banque mondiale conçoit son mandat en ce qui concerne la 'governance' comme résidant essentiellement dans des domaines qui touchent directement la gestion économique et les politiques économiques. Les préoccupations de la Banque mondiale pour les questions de réformes institutionnelles, de l'État et de manière plus générale, pour la "bonne gouvernance" vont survenir à un moment précis. Elles semblent être une reconnaissance non seulement que le processus "d'ajustement" demandé aux pays endettés, devenu synonyme de "développement", est un processus éminemment politique, mais aussi que le contrôle de ce processus échappe aux bailleurs de fonds. À cet égard :
Comme l'avait bien noté Thomas Biersteker, les formes de retrait de l'État introduites avec les politiques d'ajustement au cours des années 80, devenaient de plus en plus un obstacle la relance économique et à la création de bases de légitimité pour les réformes souhaitées.(5) Que recouvre le concept de "gouvernance"? Si l'on peut parler de diverses définitions et si les contenus de la "gouvernance" peuvent varier, on peut cependant ramener la problématique autour d'un certain nombre de thèmes que l'on retrouve dans le document de 1992 de la Banque mondiale :
Telle que formulée par la Banque, la problématique soulève de nombreux questionnements notamment en ce qui a trait à son biais culturel et idéologique, la non prise en compte de la diversité des expériences historiques et enfin, la centralité du paradigme libéral-pluraliste au coeur de cette formulation particulière.(6) À titre d'illustration, Moore démontre, en se basant sur une analyse poussée de chacun de ses thèmes, que l'approche de la Banque se situe dans une tradition très précise: celle d'une vision minimaliste et même méfiante concernant l'intervention de l'État. L'auteur associe cette perspective à un courant britannique et américain qui se démarque même des autres traditions occidentales, plus "étatistes" ou interventionnistes de l'Europe continentale et il conclut:
Moore attire l'attention sur le biais culturel et idéologique du document de la Banque concernant l'importance et même la foi accordées à l'appareil juridique et judiciaire :
Plus spécifiquement, Moore questionne l'hypothèse de la Banque mondiale à l'effet que les marchés ont besoin d'un cadre juridique pour assurer leur bon fonctionnement :
Pour appuyer son propos, il invoque les performances impressionnantes des pays de l'Asie du Sud-Est au cours des dernières décennies, et notamment celles du Japon dont l'appareil judiciaire joue un rôle peu important dans la gestion des transactions. Au-delà du biais culturel et idéologique marqué du document et de la non prise en compte de la diversité des expériences historiques, le paradigme "libéral-pluraliste", (qui postule que le citoyen se comportera mieux envers l'État si celui-ci arrête de l'exploiter et de le tyranniser) qui se trouve au coeur de Governance and Development, a très peu à dire sur la construction et la reproduction des bases du pouvoir ou de l'ordre politique - un point important dans la mise en oeuvre des politiques d'ajustement et de redressement préconisées par la même institution. Ce qui nous amène à nous pencher plus spécifiquement sur la conceptualisation de l'État, de son rôle, de son évolution, de son fonctionnement et sur la conceptualisation du rapport État-marché. 2. LA RECONCEPTUALISATION DE L'ÉTAT, DE SON RÔLE REDISTRIBUTIF ET L'ÉMERGENCE DE NOUVEAUX CADRES NORMATIFS DANS LE DOMAINE SOCIAL. Concernant la conceptualisation de l'État, le rapport Governance and Development précise :
Il s'agit donc d'une conception instrumentaliste et fonctionnaliste de l'État qui présuppose une finalité: promouvoir une certaine forme de développement et, qui plus est, prescrire les moyens pour l'atteindre. Ainsi le rapport est en mesure de préciser l'évolution et le fonctionnement attendus d'un État :
Selon les sources sur lesquelles s'appuie le Rapport, il y aurait une corrélation entre la création et la consolidation d'institutions efficaces (instances gouvernementales et publiques), le renforcement des droits à la propriété et le bon fonctionnement du marché. Les principes de bonne gestion applicables aux entreprises, le sont également à la gestion de la chose publique :
Ceci nous amène au coeur du problème: la conceptualisation des rapports État-marché. Tenant compte des erreurs des années 70, le Rapport présente une vision non-interventionniste et minimaliste du rôle de l'État :
Cette conceptualisation découle du paradigme économique néoclassique qui est à l'origine et qui a influencé beaucoup la réflexion et les stratégies de la Banque mondiale depuis le début des années 80. En gros, cette vision voit les marchés et le secteur privé d'une part, et les États d'autre part, comme des entités qui se concurrencent pour occuper les mêmes sphères d'activités économiques. Ainsi, le retrait de l'État permettrait aux forces du marché d'agir plus librement afin d'égaliser l'offre et la demande, de manière à envoyer des signaux appropriés au secteur privé, afin qu'il puisse prendre de façon optimale des décisions de production et d'investissement. Non seulement trouve-t-on l'idée que la concurrence entre la sphère étatique et sphère du marché est à éviter et que la sphère privée ne doit pas être subordonnée à la sphère public, mais aussi l'idée que le bon fonctionnement de l'État doit être calqué sur celui du marché :
Ainsi le bon fonctionnement de l'État est assimilé à une question de bonne gestion technique des ressources publiques. A cet égard la mesure de l'absence de bonne gouvernance est formulée en termes de pertes économiques (16). Car dans des situations où la gouvernance fait défaut, ceci peut créer un environnement hostile au développement :
La conception essentiellement fonctionnaliste et instrumentaliste de l'État présente dans le Rapport mène à l'idée problématique que des changements organisationnels, de nature technique, amèneront par eux-mêmes une amélioration de " l'efficacité ": d'où l'emphase sur la gestion du secteur public, sur la responsabilisation, sur le cadre juridique du développement, sur l'information et la transparence. La question qui se pose à partir de cette perspective fonctionnaliste est évidemment " governance " et " capacity building " pour faire quoi? Question sur laquelle nous reviendrons un peu plus loin après avoir regardé de plus près les éléments sur lesquels repose le projet de gouvernance présenté par la Banque mondiale en 1992, notamment en ce qui concerne la construction de la légitimité politique pour les programmes de réformes économiques. Dans les termes de la Banque, la légitimité politique est une stratégie qui devrait permettre de " libérer " la société civile, de rendre le pouvoir à la population, afin de mettre en oeuvre des programmes de développement grâce au renfoncement d'organismes à la base et notamment, ceux capables de promouvoir l'esprit d'entreprise. Comment propose-t-on de construire des bases alternatives de légitimité populaire? À la fin des années 80 cette stratégie devait être accomplie à travers des notions de "empowerment" and "consensus building" (18). Au cours des années 90 comme on le verra, il sera question de l'accession et surtout de la "participation" au pouvoir. Mais attention. Comme le note justement Beckman se référant aux années 80, il s'agit d'un " empowerment " pour assurer et pour faciliter le développement, qui semble être, comme nous l'avons vu, une finalité définie d'avance, et non pas une participation effective à l'exercice du pouvoir en vue de participer à la définition et à la mise en oeuvre d'un projet de société. Par la suite, beaucoup d'emphase sera accordée aux liens entre "participation" et "gouvernance" notamment dans les études de la Banque mondiale sur ce dernier sujet, mais il s'agira d'une participation fonctionnelle à des institutions dont la finalité est aussi bien identifiée :
Dans l'étude de la Banque de 1992, une sous-section intitulée "Micro-Level Accountability" précise la raison d'être et la portée du concept de " participation ". Ce concept est juxtaposé à celui de compétition car la participation dans la perspective de la Banque est une pré-condition nécessaire à la compétition. Comme on le verra, cette perspective renvoie à une vision libérale-pluraliste de l'exercice du pouvoir où la compétition joue un rôle clé dans la rotation des élites. Ainsi, la notion de participation est définie dans un sens étroit comme " l'articulation de préférences ou de demandes " :
Dans ce sens, la notion de participation se réfère à :
C'est dans ce même sens technique et fonctionnel que l'on peut expliquer la portée limitée de la notion d' " accountability " ou de responsabilisation. Ainsi, malgré une définition qui à première vue apparaît assez large :
Cette notion ne sera pas précisée et donc manquera d'efficacité politique pour ce qui est de son interprétation au sens large. Afin d'être opérationnel sur le plan politique, il aurait été essentiel de préciser responsabilisation de qui? à quoi? par quels mécanismes? à quel degré et selon quelles normes? (23) On comprend mieux ce manque de précision lorsque l'on se rend compte qu'il s'agit essentiellement de responsabilisation budgétaire et économique. Ainsi, peut-on lire dans le document de 1992 :
C'est ce type de considérations qui nous amène à conclure que le concept d' " empowerment " utilisée par la Banque dans les années 80 et celui de " participation " dans les années 90 émanent non pas d'un souci de participation effective mais renvoient à un concept de " managérialisme populiste ". Faisant suite aux politiques de " désétatisation " notamment dans le domaine économique, le paradigme de la gouvernance fournit le cadre indispensable pour déterminer les termes et les paramètres à l'intérieur desquels devront se dérouler les débats sur ce sujet et surtout pour en tracer les limites. Car vers la fin des années 80, plus la Banque mondiale prenait la responsabilité des mesures globales, plus elle s'exposait aux critiques qui s'élevaient contre le cadre répressif à l'intérieur duquel ces mesures devaient être introduites. C'est précisément dans le même sens, pour mitiger les conséquences sociales les plus criantes des mesures déflationnistes que les différentes générations des " dimensions sociales de l'ajustement " seront introduites à partir de 1987. Dans la mesure où les PAS cherchent à construire sur le plan interne un ensemble de relations économiques et sociales répondant aux critères internationaux en matière de productivité, rentabilité du capital et compétitivité, ces mesures procèdent à une redistribution directe des revenus: "Elles affectent nécessairement la situation de certaines catégories sociales par rapport à d'autres" (25). Introduites comme un ajout à la stratégie de croissance contenue dans les PAS, les DSA représentent plus une justification des PAS qu'une remise en cause d'ordre conceptuel. Ainsi les DSA masquent le problème de fond: la conceptualisation du problème de la lutte contre la pauvreté. Dans la mesure où la pauvreté renvoie au mode particulier de régulation sociale, il s'agit en fait d'un problème de lutte pour la redistribution du pouvoir et donc d'un problème éminemment politique. En présentant le concept de gouvernance et les réformes institutionnelles qui l'accompagnent sous un angle technique, comme l'illustre le terme " capacity building ", on évite que soit posée la question du contrôle sur le processus de développement : qui le contrôle? et en faveur de quels intérêts? Dans ce sens les " dimensions sociales de l'ajustement " peuvent aussi être vues comme une tentative d'assurer que le problème de la pauvreté ne sera pas posé en termes politique. À cet égard, P. Gibbon écrit :
Parallèlement à l'introduction de programmes dits de DSA et à l'élaboration d'une réflexion sur " ajustement et équité " au sein de la Banque mondiale et dans des organismes tels que l'OCDE, on voit se développer notamment à la Banque mondiale, un discours qui pose le caractère primordial des débats internes, nationaux, sur les politiques économiques de redressement. Cependant, l'expérience suggère que beaucoup des paramètres concernant de tels débats sont prédéterminés, laissant peu d'éléments à débattre. Faisant référence au Nigeria, Beckman rappelle que le fait de permettre des débats publics ne transforme pas un régime autoritaire en un régime démocratique :
C'est dans ce contexte qu'il faut resituer certains autres aspects du libéralisme politique de la Banque mondiale et notamment la préoccupation pour le respect des droits de la personne et l'exigence d'une plus grande transparence dans la conduite des affaires publiques. Bien qu'il soit effectivement question de droits de la personne dans les discussions sur la gouvernance, le contexte dans lequel cette question est soulevée et la non prise en compte de ses dimensions politiques, font en sorte que sa portée est délimitée d'avance. Ainsi, une emphase est mise sur la notion du "rule of law" (l'État de droit) interprétée, sinon exclusivement ramenée, à la protection des droits de propriété, nationaux et internationaux :
La nécessité d'un " Cadre légal pour le développement " est explicitée de la manière suivante :
Comme le reconnaît le même rapport, la position de la Banque dans le domaine juridique reste largement formelle et se limite aux processus de formulation et d'application des règles. Cinq domaines jugés critiques sont considérés :
Le document de 1992 est explicite concernant son emphase formelle plutôt que substantive pour ce qui est du cadre légal proposé, et s'explique par le souci de la Banque de maintenir une image de neutralité :
Sur cet arrière fond, il est possible de situer la notion particulièrement circonscrite, car se voulant apolitique, du respect des droits humains :
Tout comme pour les notions précédentes de "responsabilisation" et de "participation", la notion de "transparence" véhiculée par la "gouvernance" reflète des préoccupations de type managériales ou de gestionnaires plutôt que de type de participatives, reflétant, comme l'annonçait la Banque mondiale à l'époque, la volonté de l'organisme d'éviter les dimensions politiques de la gouvernance qu'elle déclarait se situer hors de son mandat. Dans cette perspective, on comprend mieux pourquoi le Rapport sur le Développement dans le Monde de 1997, L'État dans un monde en mutation a été interprété par certains milieux, de manière erronée à notre avis, comme représentant une volte-face. Que propose le Rapport sur le Développement dans le Monde de 1997 ? Le Sommaire précise son objet : (page 3) "Le présent Rapport propose un cadre général pour aborder le problème de l'efficacité de l'État. " Ce message se traduit par une stratégie élaborée en deux temps: Le premier volet consiste à adapter le rôle de l'État à sa capacité d'action. À cette étape "l'État doit tout d'abord consacrer les capacités dont il dispose à l'exécution des missions qu'il peut et doit assumer." (page 3). Le deuxième volet de la stratégie consiste à accroître la capacité de l'État en revivifiant les institutions. Mais adapter et accroître le capacité de l'État pour faire quoi ? Le rôle de l'État tel que conceptualisé par le Rapport 1997 est formulé comme suit :
Le Rapport précise cinq tâches fondamentales "au cur de la fonction de l'État" :
Cette conceptualisation de l'État émane d'une tradition nord-américaine bien particulière qui postule que "tout système politique a la même fonction" et selon certaines variantes, la même structure. Ceci permet de les comparer selon leur degré de différenciation, et donc de maturité sur le plan politique, et surtout, ouvre la possibilité aux théoriciens de ces courants de prescrire les structures, changements et règlements nécessaires pour assurer la stabilité et la persistance du système politique. La question qui préoccupe cette approche de science politique fonctionnaliste ou structuro-fonctionnaliste est comment durer mais jamais pourquoi? Pour qui ? À quelles conditions? Si l'on revient au Rapport 1997, ce document véhicule non seulement une notion très particulière de l'État, de son rôle, de son évolution souhaitable, de son bon fonctionnement, mais aussi une conceptualisation précise des rapports État-marché (33). Sans pouvoir traiter ce vaste sujet en détail, nous dégagerons quelques grandes lignes concernant chacun de ces points. Pour ce qui est de son rôle, la mission première de l'État est la création des bases institutionnelles nécessaires au marché. Ainsi, il s'agit d'une notion non seulement fonctionnaliste, mais instrumentaliste de l'État qui présuppose une finalité, qui sera elle aussi bien définie, tout comme la prescription des moyens pour l'atteindre. De plus, le Rapport prévoit que les arrangements institutionnels évolueront et deviendront plus complexes avec la maturation de l'économie et à mesure que les pays seront de plus en plus intégrés au marché mondial. Selon le même document, il y aurait une correspondance entre la création et la consolidation d'institutions efficaces (instances gouvernementales et publiques), le renforcement des droits à la propriété - car il s'agit bien de cela lorsqu'il est question de la mise en place des bases d'un régime de droit, la tâche première de l'État selon le Rapport - et le bon fonctionnement du marché. Les principes de bonne gestion applicables aux entreprises le sont également à la gestion de la chose publique dont la finalité première est de promouvoir celles-ci. Cette hypothèse est lourde de conséquences. Sur le plan conceptuel, elle sert de justification à l'élaboration de tout un corpus sur l'État contenu dans ce Rapport, qui illustre l'application de méthodes économiques à l'étude du champ politique. Sur le plan prescriptif, elle nous amène au cur de l'enjeu central: la conceptualisation des rapports État-marché. Comme nous l'avons noté, cette conceptualisation est en large mesure une réflexion du paradigme qui est à l'origine de la réflexion de la Banque depuis le début des années 80 sur les programmes d'ajustement structurel. Dans cette perspective, le retrait de l'État à la fois de ses fonctions de propriétaire d'industries, d'institutions financières, et d'agences de commercialisation, et de ses fonctions de régulation du commerce, de l'industrie, du crédit agricole et de l'investissement étranger, permettrait aux forces du marché d'agir plus librement afin d'égaliser l'offre et la demande, de manière à envoyer des signaux appropriés au secteur privé, afin qu'il puisse prendre de façon optimale des décisions de production et d'investissement. Les arguments économiques qui sous-tendent cette position mettent de l'avant l'échec passé de l'État à créer un système approprié d'incitations afin que l'économie puisse fonctionner efficacement. C'est à partir de cette perception que l'on peut comprendre la deuxième fonction de l'État mentionné ci-haut: Application de politiques ne créant pas de distorsions. Par le passé, ceci a impliqué l'introduction de mesures correctives telles que des privatisations et des politiques très importantes de déréglementation, recommandées à partir de la conviction que le libre fonctionnement du marché serait propice à une utilisation plus efficace des ressources rares, notamment dans les pays pauvres (34). La conceptualisation essentiellement fonctionnaliste et instrumentaliste de l'État présente dans le Rapport mène à l'idée problématique que des changements organisationnels, de nature technique, amèneront par eux-mêmes une amélioration de " l'efficacité " (d'où l'emphase sur l'adaptation et l'accroissement de la capacité d'action de l'État). La question déjà posée concernant les documents de la Banque mondiale sur la gouvernance de 1992 et 1994 et qui se repose tout au long de ce Rapport est évidemment: plus efficace pour faire quoi ? Dans le Rapport 1997, la Banque mondiale prétend renouveler sa position concernant la répartition appropriée des tâches entre le marché et l'État. Mais s'agit-il réellement d'une " volte-face étonnante " par rapport au modèle de développement que la Banque mondiale cherche à promouvoir? Il s'agit plus exactement de rendre le " market-oriented model " plus efficace et surtout politiquement plus stable. A preuve, on peut citer la surprenante enquête spéciale menée aux fins du document dans le but de valider les tâches fondamentales ("core functions") qui, selon le Rapport reviennent à l'État. Cette enquête n'a pas été menée auprès des organisations communautaires, ni des organisations professionnelles de la santé, de l'éducation ou de culture, des travailleurs des secteurs public et privé, des sans-emploi, ni des élus, pour ne mentionner que ceux-ci, mais auprès de 3700 entreprises des secteurs structurés et non structurés de 69 pays afin de savoir si "l'État s'acquitte médiocrement de missions aussi essentielles que l'ordre public, la protection de la propriété et l'application des règles et des politiques de façon générale." Dans l'Encadré 2: Crédibilité, investissement et croissance, (Sommaire page 5) dans lequel sont présentés les résultats de l'enquête, on précise également: "il existe une étroite corrélation entre la note de crédibilité et les taux de croissance et d'investissement, une fois neutralisés les effets de revenus, de l'éducation et des distorsions dues aux politiques."(35) Clairement, la conclusion retenue de cette enquête à l'effet que dans certaines régions "les bases institutionnelles nécessaires au développement du marché n'existent pas" est présentée pour légitimer des prescriptions en faveur d'une conception instrumentaliste de l'État comme promoteur, avant toute autre fonction, d'une certaine forme de croissance économique Si l'on peut certes parler de continuité du " modèle " néoclassique dans l'approche de la Banque, quelque chose a cependant changé: la nécessité de mieux stabiliser socialement et de légitimer politiquement ce modèle. Alors que dans les années 80 les protagonistes véhiculant une conception néolibérale du rôle de l'État, qu'ils soient " hard " ou " softliners " sur les questions d'équité sociale, se ralliaient autour d'un certain consensus pour ce qui est des politiques économiques et de la nécessité du retrait de l'État, l'introduction prolongée des mesures économiques a entraîné des conséquences telles sur le plan social et politique, qu'il était devenu nécessaire de réagir à la nouvelle situation en stabilisant le modèle. En d'autres termes, plus la Banque mondiale prenait la responsabilité de mesures globales, plus elle s'exposait aux critiques qui s'élevaient contre les inégalités croissantes et le cadre répressif à l'intérieur duquel ces mesures devaient être introduites. À cet égard, et faisant suite aux mesures de " désétatisation " desquelles la Banque se distanciera de plus en plus au début des années 90, le Rapport 1997 fournit le cadre indispensable pour déterminer les termes et les paramètres à l'intérieur desquels devront se dérouler les débats sur le rôle de l'État et surtout, pour en tracer les limites. Toutefois, ceux qui cherchent dans le Rapport une analyse sur la mission sociale de l'État, pourtant reconnue comme un élément indispensable à la construction et à la reproduction des bases du pouvoir, de l'ordre public et de la cohésion sociale et nationale, chercheront en vain. Ils y trouveront autre chose. L'inclusion d'un chapitre intitulé "Mettre en place des bases économiques et sociales" répond visiblement plus à des préoccupations de conserver une stabilité politique (36) et sociale comme condition nécessaire à l'investissement, qu'à des préoccupations de justice sociale et d'équité qui reposent sur l'existence de droits sociaux et économiques. Avant de s'interroger sur les raisons pour lesquelles la Banque mondiale s'intéresse à la question de l'équité sociale et avant d'examiner de plus près le contenu des nouveaux cadres normatifs qui accompagnent la réflexion et les recommandations de cet organisme, il est utile de présenter un bref aperçu de ce qui est proposé à ce sujet. En tant que synthèse, le Tableau 1.1 Fonctions de l'État (page 30) est très instructif et fournit un intéressant point de départ. Les trois-quarts du tableau présentent dans les colonnes de gauche les fonctions: "Pour remédier aux dysfonctionnements des marchés" et dans une petite colonne séparée, à droite, se trouve la fonction intitulée: "Pour assurer l'équité sociale". Ici, les hypothèses se visualisent graphiquement : Le rôle redistributif de l'État se situe de manière distincte, en marge, en position secondaire et même subordonnée à la fonction principale qui est sans conteste la promotion du secteur privé. Le rôle redistributif de l'État est perçu comme étant conditionnel à sa capacité d'action. Comme l'illustre le tableau, une progression des types d'intervention est recommandée en fonction de la manière dont un État se montre en mesure de s'acquitter d'abord de ses fonctions économiques de base. Comme il sera précisé dans le chapitre à cet égard :
Pour ce qui est des moyens préconisés, on mentionne entre autres l'utilisation judicieuse des marchés privés et le recours au secteur associatif. De plus :
Pourquoi la Banque mondiale s'intéresse-t-elle à l'équité sociale? Il est évidemment hors de la portée du chercheur et probablement sans grand intérêt de spéculer sur les " motivations " ou la sincérité des individus (environ 6000 personnes) qui uvrent à l'intérieur d'un organisme aussi complexe que la Banque mondiale. Ce que nous sommes en mesure de faire et qui paraît beaucoup plus porteur, c'est d'examiner la manière dont certains documents produits par l'institution expliquent l'importance de la question de " l'équité ". Dans le World Bank Policy and Research Bulletin (37) qui a paru quelques mois seulement après le Rapport sur le Développement dans le Monde 1997, et suite à la tenue d'un séminaire organisé l'été de 1997 par la Banque mondiale et la MacArthur Foundation, on identifia les domaines émergeants en développement économique pour le 21e siècle. Dans la synthèse de ces travaux on souligne explicitement quatre manières dont l'inégalité sociale retarde ou entrave la performance économique d'un pays. (38)
Puisqu'il est proposé que la bonne performance de l'économie et plus récemment(40), sa relance ainsi que la prévention de nouvelles crises dépendent de la prise en compte de la question de l'inégalité sociale, il est important de considérer les nouveaux principes et normes qui doivent guider les stratégies économiques de la Banque mondiale dans ce domaine. La question ici est de savoir s'il s'agit de réformes qui donneront lieu à l'émergence de nouveaux cadres normatifs ou simplement une autre étape dans l'actualisation des anciens. S'il a été possible dans ce qui précède d'illustrer la perspective instrumentaliste des travaux de la Banque mondiale lorsque ceux-ci abordent la question d'équité ou de redistribution - l'équité étant perçue comme condition d'une bonne performance économique et fonction de celle-ci, plutôt que reflétant des valeurs intrinsèques au centre des stratégies de croissance de cette institution, il importe de préciser les prémisses qui expliquent une telle approche et les nouveaux cadres normatifs qui en résultent. Pour ce faire il est indispensable de replacer la discussion dans le contexte des réflexions menées autour de la Banque mondiale sur le rôle des gouvernements dans la création d'un cadre institutionnel propice à une bonne performance économique. Nous résumerons ce vaste domaine en nous référant
à la synthèse fort utile de J.E. Stiglitz et en identifiant
huit points qui nous paraissent parmi les plus essentiels.
À partir de ce bref aperçu du rôle des gouvernements proposé par un des architectes du Rapport sur le développement dans le monde 1997 pour les économies des pays en développement, il est possible de faire ressortir une redéfinition d'un certain nombre de normes entourant notamment, la notion d'équité. Les tendances actuelles impliquent non seulement un déplacement important des lieux de production des nouveaux cadres normatifs, mais aussi une redéfinition majeure des normes sociales et politiques et des stratégies d'intervention subséquentes, lesquelles ne semblent pas avoir reçu l'attention qu'elles méritent. (52) À titre d'illustration, notons les éléments suivants :
En résumé et pour illustrer l'évolution de la réflexion de certains milieux proches de la Banque mondiale (depuis la publication du rapport de 1997) suite aux difficultés des économies asiatiques, disons que les recommandations les plus récentes ne préconisent pas des orientations qui permettraient d'atteindre un développement socialement plus équitable mais plutôt des meilleures mesures compensatoires. En soulignant que la crise avait atteint des proportions intolérables
en Asie de l'Est, J. Stiglitz propose la construction de meilleurs filets
sociaux. Il recommande quatre domaines de priorité pour les politiques
sociales :
Loin de mener à un questionnement sur le bien-fondé de certaines stratégies économiques antérieures, la crise asiatique incite les responsables de la Banque mondiale à prendre en compte les liens entre stabilité sociale, consensus politique et relance économique en recommandant un meilleur partage du fardeau de la crise.
Enfin, la reconnaissance du rôle des programmes sociaux comme étant utiles à la construction de bases démocratiques et de stabilité sociale dans le but d'assurer le succès des réformes de manière plus générale (61) est révélatrice du maintien de la place subordonnée de l'équité sociale par rapport à la création d'un environnement favorable à l'entreprise privée. Elle est révélatrice également d'une conception très particulière du fonctionnement des processus politiques et plus spécifiquement d'une interprétation particulière des processus démocratiques. 2. La reconceptualisation du rôle de l'État et des espaces politiques par l'instauration de la gouvernance décentralisée. En présentant le problème de la réforme de l'État et des institutions publiques sous un angle technique, comme l'illustre l'emphase centrale dans "L'État dans un monde en mutation" sur le concept d'efficacité, la Banque, dans son Rapport de 1997, cherchait visiblement à éviter que soit posée la question centrale notée ci-dessus, du contrôle sur le processus de croissance économique et plus généralement sur le processus de développement: Qui le contrôle? En fonction de quelles finalités? Et en faveur de quels intérêts? Même si les auteurs se défendent d'emprunter un terrain politique ou idéologique en mettant l'emphase sur des moyens pour renforcer l'efficacité de l'État, le processus de reconceptualisation de l'État a des conséquences qui dépassent de loin des préoccupations d'ordre technique et de bonne gestion administrative. Plus précisément, les recommandations du Rapport véhiculent implicitement un projet politique dont le contenu mérite d'être examiné attentivement. Déjà, à la fin des années quatre-vingt certains observateurs, dont Björn Beckman, suggéraient que les restructurations de l'État avaient comme objectif de rendre celui-ci plus propice à l'introduction du libéralisme politique et à l'adaptation des forces du marché à l'échelle internationale. Sur le plan interne, ces réformes étatiques devaient contribuer à la stimulation des potentiels entrepreneuriaux de la société.(62) Tout comme Beckman le soutenait à la fin des années 80, il peut être démontré que les réformes proposées dans le Rapport 1997 représentent une tentative pour trouver des bases alternatives de légitimité interne, notamment face aux résistances populaires et nationales, à l'égard des stratégies de réformes économiques préconisées par les institutions de Bretton Woods. Car, dans la mesure où les stratégies de relance économique préconisées s'attaquent aux modes de régulation politique et aux schémas de redistribution antérieurs, ces réformes provoquent une crise des capacités politiques des États, crise qui, par la même occasion, est une crise d'hégémonie idéologique, notamment de la légitimité des stratégies de réformes économiques. Comment propose-t-on de construire des bases alternatives de légitimité?
Si à la fin des années 80 un effort concerté de réflexion
a émergé autour de la " faisabilité politique
", au début des années 90, le projet de reconceptualisation
de l'État a été systématisé et approfondi
notamment dans les travaux de 1992 et 1994 de la Banque mondiale sur la
" Gouvernance ". Dans ces travaux il n'est plus question simplement
d'un " empowerment " mais de l'accession et surtout de la "
participation " au pouvoir. En 1997, dans le Rapport sur le développement
dans le monde, on voit se prolonger cette même réflexion
sur la construction de légitimité politique en faveur des
réformes proposées. Ainsi, on peut lire :
Pour ce qui est de la notion de participation, le Rapport soutient :
Comme nous l'avons vu dans la première section, le concept de participation a ici un sens précis, celui de l'articulation de préférences ou de demandes. En science politique, cette conception renvoie à une vision libérale-pluraliste de l'exercice du pouvoir où la participation est une condition nécessaire à la compétition à la base de la démocratie libérale pour laquelle ce qui importe est la rotation des élites. Cette notion restreinte, managérialiste et fonctionnaliste de la participation nous amène au cur du problème : celui de la conceptualisation particulière de l'exercice du pouvoir. Ainsi, en contradiction avec ses propres statuts qui lui interdisent d'emprunter le terrain politique et en s'éloignant des réaffirmations de prudence présentes encore dans ses documents de 1992 et 1994 sur la Gouvernance à l'effet qu'elle n'aborderait pas les dimensions politiques des différents aspects de celle-ci, dans le Rapport de 1997 la Banque mondiale occupait désormais le terrain politique en proposant dans la première partie du Rapport de Repenser l'État partout dans le monde. Au-delà de la tentative de présenter les recommandations qui suivront sous un angle purement technique, parce qu'il s'agit de recommandations qui se veulent universelles, la conception de l'État préconisée fait forcément abstraction des processus de régulation politique, sociale et culturelle spécifiques et aux trajectoires historiques précises de chacun des pays. De plus, il s'agit d'une conception de l'État qui fait abstraction de l'existence de nations et donc des enjeux que pourrait représenter la question du contrôle national, ou de la cohésion et de la sécurité nationale dans l'articulation des stratégies de développement d'un pays donné. Il résulte de cette tentative de repenser l'État une conception a-historique, téléologique et prescriptive qui émane de certains courants précis de la pensée américaine libérale-pluraliste et qui rappelle à beaucoup d'égards les éléments qui étaient à la base du paradigme de la "modernisation" dans les années 50 et 60. Mais en 1997, il ne s'agissait que d'une première esquisse néo-institutionaliste de la reconceptualisation de l'État. Avec la parution du Rapport sur le Développement dans le Monde 1999-2000 "Entering the 21st Century", le terrain des prescriptions et des débats s'élargit pour englober les deux aspects de la "gouvernance" que le document de la Banque mondiale de 1992 définissait explicitement comme hors de son champ. À cette époque et conformément à son rôle de banque, l'institution concevait son mandat en ce qui concerne la "gouvernance" comme résidant essentiellement dans les domaines qui touchent directement la gestion économique et les politiques économiques ou, dans ses propres termes: " les processus par lesquels l'autorité est exercée dans la gestion des ressources économiques et sociales d'un pays". Les terrains sur lesquels elle s'abstiendrait d'intervenir étaient les suivants :
Le titre du Chapitre 5 du Rapport de 1999-2000, "Decentralization : Rethinking Government" est en soi éloquent sur l'évolution qui s'est produite. Les propos contenus dans ce document sont des plus significatifs car, sous une argumentation formulée en termes de bonne gestion administrative et fiscale, on y retrouve un plaidoyer pour un processus de décentralisation impliquant des formes très spécifiques de régime politique qui renvoient à une conceptualisation particulière du politique, du pluralisme libéral, de la participation, et ultimement de la démocratie. Avant d'examiner les implications de la proposition sur la gouvernance décentralisée présentée dans ce Rapport, il est utile de s'arrêter brièvement sur son contenu et sa formulation. Pour ce qui est de l'objectif premier, la décentralisation vise avant tout, selon le Rapport, la dévolution des pouvoirs auparavant confiés aux gouvernements centraux, aux paliers régionaux ou locaux de gouvernement que le Rapport appelle niveaux " subnationaux ". Ainsi, et se basant sur les expériences et les leçons du passé, le document soutient :
Et de manière encore plus explicite pour ce qui est de l'orientation des modifications considérées comme souhaitables :
La justification première et la méthodologie permettant de choisir les meilleures voies à suivre dans l'effort de décentralisation sont présentées avant tout en termes de bonne gestion. Ainsi, toute la réflexion concernant les structures, les fonctions et la répartition des ressources entre différents niveaux de gouvernement est présentée comme répondant à des exigences d'efficacité :
Cependant, dans la section qui précise les procédures souhaitables, il devient clair que ce sont des considérations de type fiscal et budgétaire qui devront prévaloir pour déterminer quelles structures devront être retenues :
Les discussions détaillées qui suivent sur les enjeux de la mise en place de la décentralisation, que ce soit concernant le rôle des transferts fiscaux entre les niveaux centraux et locaux de gouvernement (pages 117) ou le contrôle de la dette des gouvernements sous-nationaux (pages 118), sont formulées strictement en termes de recherche d'une bonne administration fiscale :
Ainsi, le rôle du gouvernement central est formulé en termes de " responsibility for the stability of the financial system " (page 118) et non pas, avant tout en termes de responsabilité du bien-être de ses citoyens. Cette emphase repose sur une notion du champ politique comme lieu de gestion des ressources et non pas comme lieu d'accès au pouvoir et aux processus de prise de décision pour élaborer ou déterminer un projet de société. Nous sommes très loin de la notion du " politique " comme l'entendait Oresme (v.1370) : qui concerne les gouvernements des hommes entre eux , la chose publique. Les membres d'une société ne sont plus perçus avant tout comme des acteurs et sujets politiques, comme électeurs ou citoyens mais plutôt comme des " clients ". Ceci comporte des implications de la première importance comme nous le verrons maintenant, qui ne semblent pas avoir reçu toute l'attention qu'elles méritent. Les enjeux politiques soulevés par la proposition de "gouvernance
décentralisée", présentée sous un angle
essentiellement technique, en termes de bonne gestion et d'efficacité
de la répartition des ressources et comme moyen pour promouvoir
la stabilité politique sont en réalité considérables,
comme l'indique la citation suivante :
Comme on peut le voir, la proposition est en fait de nature éminemment politique dans la mesure où les réformes introduisant la dévolution des pouvoirs affecteront la répartition des pouvoirs et la définition même de l'espace politique de diverses manières, dont les suivantes :
L'étendue des champs de compétences recouvrant des enjeux explicitement politiques est suggérée par la citation suivante :
Ainsi, la proposition de " gouvernance décentralisée " mise de l'avant en termes de règles, de procédures et de création de structures et d'institutions, présentée sous un angle technique en termes d'efficacité de la gestion des ressources, véhicule une notion du champ " politique ", et de la nature souhaitable de la participation politique qui a des implications telles que ce projet mérite qu'on le considère des plus attentivement. Nous résumerons notre propos autour de la conceptualisation particulière du champ politique, de la notion de groupes d'intérêt et de leur place sur l'espace politique. Tout d'abord notons que l'application de la méthode économique à l'étude du champ politique amène les auteurs du Rapport à considérer le champ politique comme un marché. Ainsi, la décentralisation est présentée comme un outil permettant, notamment dans des situations conflictuelles, d'apporter :
Aussi :
Cependant, la notion de " groupes d'intérêts " qui est au coeur du pluralisme libéral, - dans la mesure où c'est la liberté de l'action et la compétition entre groupes d'intérêt qui est à la base de l'idéal participatif, - semble avoir été redéfinie et singulièrement rétrécie par la notion de gouvernance décentralisée, pour s'apparenter à une conceptualisation administrative particulière. Dans un premier temps, le Rapport fait preuve d'une certaine méfiance vis-à-vis les groupes de pression. Ainsi on peut lire :
Ou encore :
Pour se prévenir contre cette éventualité, la notion même de groupes d'intérêts est redéfinie - de manière novatrice - dans le cadre de la gouvernance décentralisée, pour épouser une base territoriale ou géographique dans le but de correspondre aux nouveaux paliers de gouvernement. Ainsi par opposition au pluralisme libéral où la définition des groupes d'intérêts se faisait en fonction des enjeux et objectifs poursuivis, ce qui pouvait les amener à intervenir sur plusieurs paliers de gouvernements, il est avant tout question de " central " par opposition à " local interest groups ".
Ailleurs, il est bien précisé que les procédures électorales peuvent être un moyen essentiel pour mieux circonscrire les champs d'action de groupes d'intérêts indésirables. L'enjeu est le suivant :
La solution proposée est donc de faire correspondre le champ d'action des groupes d'intérêts aux paramètres géographiques en fonction des paliers de gouvernement :
Enfin :
Dans la mesure où la stabilité politique est vue comme tributaire des équilibres qui sont à établir entre intérêts "locaux" et intérêts "centraux", par extension, la pression de groupes d'intérêts qui se situeraient en dehors de ces rapports de pouvoir et de paliers de gouvernement prévus par les règles de la gouvernance décentralisée, pourrait bien risquer de se voir assimilée à des forces déstabilisatrices. Ainsi les groupes de pression, dont les actions étaient au coeur du pluralisme libéral, pourraient être vus hors du champ de ce qui est maintenant présenté sous le vocable de "effective gouvernance" :
Dans ces circonstances, il ne semble pas exagéré de se poser la question, à savoir si avec la parution du Rapport "Entering the 21st Century", nous ne sommes pas face à l'abandon d'un modèle libéral pluraliste basé sur un idéal participatif, en faveur d'un modèle plus autoritaire basé sur un idéal technocratique ? Conclusion La mise de l'avant du concept de " gouvernance décentralisée " signale une étape importante dans l'évolution des politiques et des stratégies des institutions de Bretton Woods et implique une redéfinition des conditions propices à la stabilisation sociale et politique des régimes politiques où interviennent ces organismes. Premièrement, le concept de "gouvernance décentralisée" se veut un concept universel et technique, et véhicule de ce fait une conception de l'État qui fait abstraction des processus de régulation politique, sociale et culturelle spécifiques aux trajectoires historiques précises de chacun des pays. De plus, il s'agit d'une conception de l'État qui fait abstraction de l'existence de nations et donc des enjeux que pourrait représenter la question du contrôle national, ou de la cohésion et de la sécurité nationale dans l'articulation des stratégies de développement d'un pays donné. Les processus politiques sont réduits à des processus de gestion technique. Il en résulte une tentative de "dépolitisation" qui revient à nier la légitimité des objectifs politiques. Car comme J. Coussy le note :
Comme nous l'avons noté plus haut, il résulte de cette tentative de repenser l'État une conception a-historique, téléologique et prescriptive qui émane de certains courants précis de la pensée américaine libérale-pluraliste qui rappellent à beaucoup d'égards les prémisses qui étaient à la base du paradigme de la "modernisation" dans les années 50 et 60. Deuxièmement, la mise de l'avant de ce concept invite à un changement de terrain permettant de réorienter les débats et à mettre de côté les discussions antérieures centrées sur le rôle des gouvernements et des marchés, qui étaient au coeur du Rapport sur le Développement dans le Monde 1997. Selon ce dernier :
Il est donc plutôt surprenant de lire à peine trois ans plus tard dans le Rapport 1999-2000 :
Visiblement, dans le but de " dépolitiser " des enjeux qui sont assurément politiques, la manière d'aborder le champ du politique se fera par une approche en termes de gestion, le véhicule étant la " gouvernance décentralisée " et le focus réorienté pour délaisser toute discussion du rôle de l'État, en faveur de " processes, rules, and institution building " (procédures, règles, et de création d'institutions). Ainsi :
Troisièmement, ce qui frappe dans cette proposition de réorientation " institutionaliste " est la tentative de définir la problématique du développement en l'absence non seulement de l'État, mais de toute référence à des groupes ou des mouvements sociaux :
L'une des conséquences majeures de cette réorientation est celle de la redéfinition de la notion de groupes d'intérêts dans un sens très restrictif; cette redénition se démarque de la pensée traditionne du pluralisme libéral. En effet, si auparavant le pluralisme faisait référence à l'existence d'un champ d'interactions où une place centrale était réservée aux groupes d'intérêts, le Rapport de 1999-2000 redéfinit la notion de pluralisme dans un sens restrictif, qu'il associe avec des changements institutionnels favorisant la localisation et la décentralisation. Il est significatif que le terme lui-même ait été modifié :
Bien que formulé comme moyen de bonne gestion propice à assurer une stabilité politique, la proposition de " gouvernance décentralisée " est éminemment politique et semble servir des objectifs hautement politiques, soit l'affaiblissement des États centraux :
Le projet de démantèlement des États nationaux ne pourrait être plus explicite :
De telles transformations comportent des implications énormes pour ce qui est de la redéfinition des espaces de participation politique, des conditions d'accès à ces espaces, de l'accès aux services qui auparavant relevaient de l'État central et des capacités de défendre les droits sur lesquels reposait l'accès en tant que citoyen à des services essentiels ou publics. À cet égard, la conclusion du Sommaire de Rapport 1999-2000 est claire :
Cependant au niveau local, les services et les infrastructures essentielles incluant, nous dit le Rapport : " water, sanitation, roads, telephones, electricity and housing " (page 10), exigent un niveau adéquat d'investissement. Pour cela :
L'eau, la santé, l'éducation, le transport, les routes, le téléphone, l'électricité, le logement, l'utilisation des sols, l'exploitation des ressources naturelles et la protection de l'environnement autant de domaines auxquels les nouvelles règles et procédures de la " gouvernance décentralisée " impliquent de nouveaux cadres juridiques, transformant ainsi de manière majeure les conditions d'accès et les possibilités de défense des droits qui garantissaient ces services, et rendaient la protection de ces droits une obligation. Ainsi et pour résumer, bien que formulée sous un angle essentiellement technique en termes de bonne gestion administrative, la notion de gouvernance, telle que préconisée par les institutions de Bretton Woods, véhicule effectivement une notion très précise de l'État, du champ du politique et des rapports État-marché. Il s'agit donc d'une notion, non seulement éminemment politique, mais surtout idéologique. La volonté de traiter des processus politiques en termes de gestion technique apparaît comme une tentative de " dépolitisation " qui revient à nier la légitimité de tout un ensemble d'objectifs politiques. La conceptualisation du champ du politique avant tout comme lieu de gestion des ressources, comme le suggère explicitement la notion de " gouvernance décentralisée ", et non pas comme lieu d'accès au pouvoir et aux processus de décision collective en vue d'élaborer un projet de société, pourrait bien avoir comme impact le retrécissement du champ du politique et même, selon l'expression de J. Barker, " l'informalisation du politique ".(64) Dans la mesure où le processus politique " souhaitable " est, au plan conceptuel, essentiellement limité à la rotation des élites politiques et à l'existence de systèmes multi-partites, il en résulte une notion de démocratie formelle rétrécie, dont la dimension sociale, particulièrement redistributive, est singulièrement réduite, et qui, dès lors, est " largely devoid of meaningful content ".(65) Enfin, des réformes institutionnelles comme celles préconisées par le projet de " gouvernance décentralisée " sont accompagnées par de nouvelles règles et procédures qui redéfinissent les conditions d'accès aux services sociaux et aux infrastructures de base (santé, éducation, eau, routes, etc.), services dont l'accessibilité était auparavant considérée comme une obligation des États : dans cette mesure, il se produit une remise en cause radicale de ce qui était, jusqu'ici, considéré comme des droits économiques et sociaux fondamentaux. Ultimement, bien qu'il y ait eu peu de discussion sur ces enjeux, le projet de gouvernance, tel que formulé par les institutions de Bretton Woods, suppose un processus de redéfinition des droits et responsabilités des citoyens dans leurs rapports entre eux comme dans leurs rapports à l'État, et, en ce sens, une modification de la notion même de citoyenneté démocratique. NOTES (1) Le Robert. Dictionnaire historique de la langue française, Paris, 1992, p. 906. (2) Holly Sklar, Editor, Trilateralism. The Trilateral Commission and Elite Planning for World Management , Black Rose Books, Montréal, 1980. Voir en particulier Alan Wolfe, "Capitalism Shows its Face: Giving up on Democracy", pp. 295-307 (3) World Bank, Governance and Development, World Bank, Washington, D.C., 1992, p.1. (4) Voir à ce propos l'intervention de Edward V.K. Jaycox à l'époque Vice Président, Afrique, de la Banque mondiale lors de la African-American Institute Conference "African Capacity Building: Effective and Enduring Partnerships", le 20 mai 1993, Reston, Virginia: "Up to now, we've talked about just cutting it (the civil service) down. In fact, in structural adjustment in the old days, the second tranche of this hundred million dollar structural adjustment loan depended on you getting rid of 14,000 civil servants. Now that turns out to be the wrong way to go about it because it hasn't worked. It hasn't saved any money. It's just meant we've had our tranches blocked, and we lost momentum. Anyway the people have nowhere to go. There's nothing happening in the real economy so the thing just creates social problems with no savings, so it's not worth a candle. We have learned that. We don't do that anymore." Transcript p. 6. Dans la même intervention, E.V.K. Jaycox précise les difficultés que pose pour le fonctionnement de la Banque mondiale, l'échec des conditionnalités en Afrique: "The World Bank lends up to $4 billion a year in Sub-Saharan Africa, and right now (mai 1993) we have $14 billion outstanding, waiting to be disbursed." Ibid., p.1. (5) Biersteker, (Thomas J.), 1990, "Reducing the Role of the State in the Economy: A Conceptual Exploration of I.M.F. and World Bank Prescriptions", in International Studies Quarterly, Vol.34, pp.477-492. Voir aussi Biersteker, (Thomas J.), 1992, "The "triumph" of neoclassical economics in the developing world: policy convergence and bases of governance in the international economic order", dans Rosenau, (James N.) et Czempiel, (Ernst-Otto), Governance without Government: Order and Change in World Politics, Cambridge University Press, Cambridge, pp.102-131. (6) Mick Moore, "Declining to Learn from the East? The World Bank on 'Governance and Development' " dans I.D.S. Bulletin, Vol. 24, no.1, 1993, pp.39-49. (7) Ibid., p. 41. (8) Ibid., p. 45. (9) Ibid. (10) Governance and Development, op. cit., p. 6. (11) Ibid. (12) Ibid., p. 7. (13) Ibid. (14) Ibid., p. 6 (15) Ibid., p. 7. (16) Ibid., p. 9. (17) Ibid., pp. 9-10. (18) World Bank, Sub-Saharan Africa. From Crisis to Sustainable Growth, A Long-Term Perspective Study. Washington, 1989. pp. 60-61 et pp. 192-193. (19) World Bank, Governance. The World Bank's Experience, 1994, op.cit., p. 56. (20) World Bank, Governance and Development, op. cit., 1992, p. 22. (21) B. Beckman, "Empowerment or Repression? The World Bank and the Politics of African Adjustment," in Authoritarianism, Democracy and Adjustment. The Politics of Economic Reform in Africa. Ed. Gibbon, (P.), Bangura, (Y.) Ofstad, (A.), Scandinavian Institute of African Studies, Uppsala, 1992, p. 92. (22) Governance. The World Bank's Experience, 1994, op. cit., p. 13. (23) M. Moore, op. cit., pp. 42-43. (24) Governance and Development, 1992, op. cit., pp. 50-51. (25) L'Hériteau, Marie-France, "Endettement et ajustement structurel : la nouvelle canonnière", Revue Tiers-Monde, Vol. XXVIII, no 91, juillet-septembre 1982, p. 543. (26) Peter Gibbon, "The World Bank an African Poverty 1973-91" in The Journal of Modern African Studies, Vol. 30, no 2, 1992, p. 220. (27) B. Beckman, op. cit., p. 93. (28) World Bank, Governance and Development, 1992, op. cit., p. 7. (29) Ibid., p. 28. (30) Ibid., p. 30. (31) Ibid., p. 51. (32) World Bank, Governance. The World Bank's Experience, (1994) op. cit., p. 53. (33) Voir entre autres Campbell, (Bonnie), 1997, "Reconceptualisation de l'État au Sud. Participation démocratique ou managérialisme populiste" dans Mondialisation des échanges et fonctions de l'État, sous la direction de Crépeau, (François), Les Établissements Bruylant, Bruxelles, pp.163-231. (34) Mosley,( Paul); Harrigan, (Jane) et Toye,(John), 1991, Aid and Power. The World Bank and Policy-based Lending, Vol.1, Analysis and policy proposals, London, Routledge. Sur l'émergence et l'impact de la pensée néo-libérale sur la Banque mondiale, voir en particulier Chapitre 1, pp 3-26. (35) Dans le travail de préparation du Rapport 1997, "Institutions, the State and Development", (ibid.), Ajjay Chhibber précise à partir de ce sondage: "We show that the quality of institutions variable that emerges from this survey affects both growth and investment". Voir aussi les travaux connexes: Brunetti, (Aymo); Kisunko, (Gregory); and Weder, (Beatrice), 1997, "Economic Growth with 'Incredible' Rules: Evidence form a World Wide Private Sector Survey". Background paper for 1997 World Development Report. Miméo. (36) Dans une conférence où il décrivait la situation socio-économique de la Jamaïque comme étant catastrophique, l'économiste Norman Girvan du Consortium Graduate School of Social Studies, University of the West Indies, Jamaica, présenta le "ruling class" de la Jamaïque - pays qui a une longue et profonde expérience d'ajustement structurel, comme étant: "en large mesure la création de la libéralisation financière qui a accompagné le processus d'ajustement structurel." Conférence "Reclaiming Democracy", Université Concordia, Montréal, le 17 octobre 1998. (37) World Bank, 1997, World Bank Policy and Research Bulletin, "Emerging issues in development economics", Washington, Volume 8, Number 4, October-December 1997. (38) "Emerging issues in development economics", ibid., p.3. (39) À cet égard, il est précisé: "These 'bargaining failures' may occur because of disagreement over the distribution of gains from proposed policies (with wealthier groups vetoing changes in the rules that would hurt them financially) or because common problems of asymmetric information are exacerbated by inequality that reduces interaction among potential groups and communities."Ibid. (40) Stiglitz, (Joseph), "Responding to Economic Crises: Policy Alternatives for Equitable Recovery and Development", présenté lors de la conférence "Recovery from Financial Crisis. Macroeconomic Policy Alternatives for Socially Equitable Development" organisée par l'Institut Nord-Sud, dans le cadre de la réunion des Ministres de Finance des pays du Commonwealth, Ottawa, le 29 septembre, 1998. Miméo, p.3. (41) Stiglitz,( J.), "The Role of Government in the Economies of Developing Countries", in Malinvaud., E. et al., Development Strategy and Management of Market Economy, vol.1, Clarendon Press, for the United Nations, 1997, p.61. (42) Ibid., p.79. (43) Ibid., p.80. (44) Ibid., p.87. (45) Ibid., pp.76-78. (46)
"Redistribution programs may do little to reduce inequality. Research
has shown that throughout the world, a large share of transfers go to
the middle class and the élite. A disproportionate share of education
financing, for example, goes to secondary schools and universities, which
the poor seldom attend." World Bank Policy and Research Bulletin,
op.cit., p.3. (47) J. Stiglitz, op.cit., p.84. (48) Ibid., p.86. (49) Ibid., p.83. (50) Ibid., p.92. (51) Ibid., p.93. (52) Voir B. Campbell, " New Rules of the Game : The World Bank's Role in the Construction of New Normative Frameworks for States, Markets and Social Exclusion " in Canadian Journal of Development Studies, Ottawa, vol. XXI, no. 1 2000, pp.7-30. (53) J. Stiglitz, op.cit., p.79. L'exemple donné de l'équité des opportunités - celui de l'éducation -est paradoxal lorsque l'on sait que de plus en plus d'enfants doivent travailler plutôt que d'aller à l'école et que la gratuité de la scolarité à été sérieusement remise en question par les programmes d'ajustement structurel. "If society provides educational opportunities to all children, it has fulfilled its responsibility, even if some individuals fail to avail themselves of those opportunities."Ibid. (54) Deblock, (Christian) et Brunelle, (Dorval), " Globalisation et nouveaux cadres normatifs. Le cas de l'Accord multilatéral sur l'investissement ", dans Géographie, économie, société, vol.1, no.1, 1999, pp.12-13. (55) Campbell, (Bonnie), 1998, "Les enjeux de la globalisation. Cinquante ans après la déclaration universelle de 1948", dans Le Courrier de l'UNESCO, Octobre, pp.24-27. (56) Banque mondiale, L'ajustement en Afrique, op.cit., p.8. (57) Social Watch, Report No. 2, 1998. Copyright: Instituto del Mundo, Jackson 1136, Montevideo 11200, Uruguay. Abonnemnent: Social Watch, Casilla de Correo 1539, Montevideo 11000, Uruguay. (58) Demery, (Lionel), and Walton, (Michael), 1997,"Are Poverty and Social Targets for the 21st Century Attainable?, texte préparé pour le DAC/ Development Centre Seminar de l'Organisation de Coopération et de Développement économiques sur "Key Elements in Poverty Reduction Strategies", OCDE, Paris, 4-5 décembre 1997.p.26. Michael Walton est Principal Economist et Directeur de la section "Poverty Reduction" de la Banque mondiale. (59) Stiglitz, (J.), 1998, "Responding to Economic Crises: Policy Alternatives for Equitable Recovery and Development", op.cit., p. 13-14. Il est frappant de lire que ce dernier domaine touchant la conceptualisation des politiques lit comme suit: "(4) Increasing monitoring, diagnosis, and public information is also required to ensure that we design and target social programs well." (60) Ibid., p.15. (61) "The percetion that a reform program is not just a bailout, but a strengthened safety net for the poor and the middle class is essentiel for building the democratic support and social stability necessary for a successful overall program." Ibid.,p.13. (62) Beckman, (Björn), 1992, "Empowerment or Repression? The World Bank and the Politics of African Adjustment," in Authoritarianism, Democracy and Adjustment. The Politics of Economic Reform in Africa. Ed. Gibbon, (P.), Bangura, (Y.) Ofstad, (A.), Scandinavian Institute of African Studies, Uppsala. (63) Coussy, (Jean), 1994, "Les ruses de l'État minimum," dans La réinvention du capitalisme, sous la direction de J.-F. Bayart, Karthala, Paris, p.238. (64) Jonathan Barker, Editor, Street-Level Democracy. Political Settings at the Margins of Global Power, Between the Lines Press, Toronto et Kumarian Press, West Hartford, 1999. (65) Gordon Crawford, " Promoting Democratic Gouvernance in the South " Communication présentée à la 9e Conférence Générale, European Association of Development Research and Training Institutes, Paris, 22-25 septembre 1999. |