FAUT-IL REFONDER L'AUTORITÉ ?

Alain Renaut
Paris IV- La Sorbonne

renautaaa@aol.com

Selon des approches différentes, avec des sensibilités différentes aussi, beaucoup d’entre nous se retrouvent aujourd’hui autour d’une même interrogation, plus ou moins inquiète, sur le devenir de l’éducation dans nos sociétés. Cette interrogation peut se dé-ployer principalement, je crois, dans trois registres. Le premier registre est, bien évi-demment de l’ordre du diagnostic : pour le dire très simplement, quel est aujourd’hui, dans nos sociétés démocratiques, l’état du lien éducatif, que ce lien soit d’ordre familial ou d’ordre scolaire ? Deuxième registre d’interrogation – plus théorique celui-ci, où il arrive que le philosophe que je suis soit convoqué à intervenir ès-qualités : quels sont les dispositifs conceptuels ou les grilles d’analyse qui, devant les transformations de la relation éducative, nous aident à donner un sens à ce qui autrement ne relèverait que d’un simple constat ? Troisième registre d’interrogation – plus pratique ou pragmati-que : y a-t-il des solutions précises qui puissent résoudre les problèmes dont la commu-nauté éducative – parents, enseignants, éducateurs, ou encore psychologues – se fait l’écho ? Même si, professionnellement, mon registre d’interrogation est plutôt le deuxième et si c’est dans ce deuxième registre que je pense pouvoir être le plus utile concernant le thème que vous avez eu la gentillesse de m’inviter à traiter, je voudrais, soit dans l’exposé lui-même, soit dans la discussion, ne négliger entièrement aucun de ces trois registres d’interrogation dont l’entrecroisement est au cœur de nos inquiétudes contemporaines sur la relation éducative.

Cet engagement une fois pris ( un engagement qui, croyez-le bien, ne correspond pas dans mon esprit à une précaution rhétorique ), je voudrais dire tout d’abord quelques mots précisément sur ce registre d’interrogation ( celui que j’ai appelé “ théorique ” ) à partir duquel mon intervention va prioritairement se développer. Comme vous avez peut-être eu l’occasion de l’observer, les philosophes et ceux qui enseignent cette disci-pline ont sans doute un peu de mal à s’entendre parfois sur ce qui constitue un problème philosophique, mais ils s’accordent à dire néanmoins que la philosophie ne procède que par problème, c’est-à-dire par construction de problèmes, par tentative de résolution de problèmes. Or si ces problèmes qu’ils construisent sont philosophiques, c’est qu’ils ne sont pas essentiellement ou pas seulement sociaux. Le fait qu’il y ait un problème social ne garantit nullement en effet que ce qui fait problème soit d’ordre philosophique ou d’ordre théorique, et donc le fait qu’il y ait un problème social, même crucial, ne garan-tit nullement que le philosophe soit habilité à intervenir à son propos. Je crois que nous pouvons tous nous entendre sur ce point.

Cela dit, nous pouvons aussi, je crois, tous nous accorder pour considérer que le lien éducatif est présentement malmené. Aujourd’hui, on tend même à parler bien sou-vent, dans ce contexte, d’incivilités, d’une crise de légitimité des instances qui ont pour mission d’assumer la fonction éducative. Et, par suite, il arrive que l’on parle également de l’impossibilité ou en tout cas de la très grande difficulté qu’il y aurait désormais pour ces instances à assumer pleinement cette mission.

En quoi ce problème, qui est certes un problème social, est-il cependant aussi un problème théorique, au sens que j’ai donné à ce terme il y a quelques instants ? Autre-ment dit, en quoi nous appelle-t-il à une réflexion de type philosophique ? En d’autres termes encore, en quoi est-ce là un problème qui ne se résout pas simplement, ou pas seulement, par l’évocation d’une absence de respect ou par appel à la nécessité qu’il y aurait à retrouver plus d’autorité, ou à faire preuve d’un surcroît de bonne volonté, et cela de part et d’autre du lien éducatif ? En quoi donc est-ce là, en fait, un problème qui appelle la confrontation de principes, le recours à des concepts ou à des grilles d’intelligibilité du type de ceux et de celles qu’utilise le philosophe ?

Afin de faire apparaître la pertinence d’une telle approche, je voudrais tenter d’expliquer tout d’abord pourquoi, à mon sens, la question de l’éducation est si com-plexe aujourd’hui, et plus précisément pourquoi elle est d’une complexité si grande qu’elle défie toutes les formules simplificatrices que l’on peut vouloir proposer pour la résoudre en évoquant, comme si cela dépendait d’un claquement de doigts, une recom-position de l’autorité ou une remobilisation de la bonne volonté.

Permettez-moi, pour expliquer mon point de vue, un bref détour. Ce détour me fait passer un instant par une brève évocation de l'ouvrage classique publié par Jean-Marie Guyau en 1885, Esquisse d'une morale sans obligation ni sanction. C'est un livre qu'on ne lit plus beaucoup aujourd'hui, mais qui a eu son heure de gloire. Gilles Lipo-vetsky, dans le cadre de ses propres réflexions sur les transformations contemporaines de l'éthique (Le crépuscule du devoir. L'éthique indolore des nouveaux temps démocra-tiques, Paris, Gallimard, 1992), a rappelé comment cet ouvrage a, à certains égards, inauguré la réflexion sur ce que pourrait être la morale à l'âge de la sécularisation : une morale qui prétendrait s’être libérée du poids (réel ou supposé) de la religion – ce que Lipovetsky lui-même désigne comme une morale post-moraliste, dont, explique-t-il, la forme même changerait en se débarrassant de l'esprit de religion, fût-il laïc. Au fil de la modernité, suggérait en effet déjà Guyau, la morale s'émancipe des fondements reli-gieux : de fait, au moins au plan public, cette émancipation est acquise, en ce sens que, dans une société libérale / pluraliste, nous savons que nous ne pouvons plus faire, publi-quement, nous contenter de faire référence à nos convictions religieuses, si nous en avons, pour justifier nos choix éthiques. “ Plus rien dans l'absolu, explique Lipovetsky, n'oblige ni même n'encourage les hommes à se dévouer à quelque idéal supérieur que ce soit ”, et dans ces conditions le devoir, s'il conserve pour nous un sens, devient “ une option libre ”. Bref, la perspective d'une morale sans obligation ni sanction serait celle d'une morale qui, en s'émancipant publiquement de la religion, a été gagnée par “ la culture de l'autodétermination individualiste ”. Toute la question est alors de savoir (Li-povetsky a eu raison de s'y attacher) ce qui subsiste de la morale à la faveur de tels dé-placements : que peut être une “ éthique indolore ”, qui ne serait plus centrée sur la dimension d'un devoir imposé de l'extérieur par une transcendance à une individualité qui s'y soumet et qui y sacrifie ce que Kant appelait les “ penchants ” ou les “ inclinations ”, bref les désirs ? Comment concevoir une éthique qui prendrait pour axe l'individualité elle-même et qui, à la faveur du lien entre individualisme et hédonisme, ne contiendrait plus en elle aucune exigence obligatoire de mutilation de soi ou de néga-tion - à laquelle se substituerait désormais celles de l'épanouissement de soi ou de l'af-firmation de soi comprises comme condition de cette vie réussie dont le slogan facile deviendrait la valeur suprême ?

Tel est donc le problème qui correspondrait au thème d'une “ morale sans obligation ni sanction ”, et auquel fait écho aujourd’hui ce que, par analogie, je désignerais volontiers comme le programme d'une éducation sans autorité ni sanction, tel qu’il peut apparaître à bien des égards exprimer l’état ( au moins tendanciel ) du lien éducatif contemporain. Il me semble que ce programme soulève au fond le même type d’interrogations, en ce qui concerne l’éducation, que celui peut en soulever, dans son domaine, celui d’une morale sans obligation ni sanction. Dans les deux cas, ce qu’il faut comprendre, avant d’en mettre en question, éventuellement, les effets ou les dérives de ces programmes, c’est la logique selon laquelle un ensemble de représentations et de pratiques ( morales dans un cas, éducatives dans l’autre ) en viennent à se restructurer ( ou à se déstructurer ) à partir d’une consécration de l’individu comme principe et comme valeur suprêmes. Ce qu’il faut comprendre tout particulièrement ( et c’est ici que le philosophe, en l’occurrence le philosophe politique, peut être appelé à fournir une grille d’intelligibilité ), c’est en quoi cette consécration de l’individu comme principe et comme valeur est solidaire, dans les sociétés démocratiques, des phases les plus pous-sées de la dynamique qui les traverse depuis leur naissance.

D'une façon générale, cette dynamique, que Tocqueville le premier avait saisi comme une dynamique d’égalisation des conditions au sens juridique du terme ( c’est-à-dire comme une dynamique d’égalisation des droits reconnus à tous les êtres humains ), conduit à penser l'autre, au sens de l'autre être humain (tout autre être que nous pensons comme humain) sous le régime du même. Elle fait de lui un “ semblable ”, comme l'exigent les valeurs d'une culture démocratique, c'est-à-dire une culture de l'égale digni-té des êtres humains. La diférence entre les êtres, si elle doit être reconnue (et elle de-mande aujourd'hui à l'être, sous les diverses formes que prend la problématique de la reconnaissance), ne peut plus l'être et ne doit plus l'être, dans les sociétés démocratiques, que sur fond d'identité partagée - avec tous les paradoxes que soulève dans ce contexte, à l'entrecroisement de l'identité et de la différence, la notion d'identité démocratique. Sans analyser davantage cette donnée générale (qui vaudrait tout autant pour la diffé-rence culturelle ou pour la différence générique que pour la différences des âges, pour la différence entre adultes et enfants), j'indiquerai simplement en quoi les difficultés spéci-fiques à l'éducation s'inscrivent dans le cadre de cette problématique.

À beaucoup d'égards en effet, on peut considérer que la relation entre adultes et enfants a été l'objet, au fur et à mesure que se déployait la modernité, d'un véritable tra-vail de laïcisation (analogue à celui que j'évoquais tout à l'heure à propos de la morale) qui a dépouillé de son caractère sacro-saint l’autorité du monde des adultes. Ce travail a concerné au premier chef la désacralisation de l'autorité paternelle, virtuellement paral-lèle à la désacralisation de l'autorité du mari dans le couple. Ce parallélisme admet tou-tefois une limite, dont l'indication fait apparaître d’emblée ce par quoi la question de l’éducation porte à leur comble les problèmes induits par le travail de l'égalité démocra-tique. Dans le registre du rapport éducatif, il est clair en effet que le processus d'égalisa-tion ne pouvait s'accomplir sur le même mode que dans le domaine de la relation entre les genres, que ce soit au sein du couple ou dans le cadre plus vaste de la société.

Je l'explique en quelques mots. Pour ce qui est du rapport entre hommes et femmes, ce qui a fait exploser la relation de dissymétrie traditionnelle, c'est évidemment la mise en place par le droit du fantastique égalisateur des conditions qu'a été l'accès des femmes au droit de suffrage. Rien de comparable n'était et n'est en revanche envisageable dans le domaine du rapport des adultes à l’enfance. Il y eut bien ici aussi, assurément, un certain nombre de gestes qui peuvent être rapprochés de celui qui est intervenu avec l'accès des femmes à la citoyenneté active - notamment l'abaissement de l'âge de la majorité civique, qui très vraisemblablement se poursuivra. Mais nous sentons bien aussi qu'il y a ici des limites pour ainsi naturelles à ce processus. Rien ne peut ici, on le voit bien, être aussi clair et frappant pour les mentalités, rien ne peut constituer un repère normatif aussi puissant que l'accès des femmes à l'égalité dans le droit de suffrage : rien qui nous permette ainsi de fixer aujourd'hui avec sûreté des repères normatifs capables de restructurer sur des bases non traditionnelles (démocratiques) les relations des adultes (parents ou éducateurs) aux enfants. Même la fameuse et controversée Convention des droits de l'enfant (1989), qui a force de loi dans tous les pays du monde sauf aux États-Unis et en Somalie, n'a pas et ne peut avoir, par définition, la même capacité de fournir des repères normatifs aussi clairs et stables que ceux qui ont été fournis lors de l'accès des femmes à l'égalité des suffrages.

De cette donnée impossible à contourner vient au moins pour une large part la grande confusion où nous sommes plongés aujourd'hui dans les deux espaces où se dé-veloppe l'éducation, c'est-à-dire la famille et l'école. Nous nous y rapportons en effet à des êtres avec lesquels nous nous trouvons bien, par la force irrépressible des choses, dans une situation de différenciation naturelle connotée en termes de supériorité – et nous avons même le sentiment qu'il n'y a pas d'éducation, familiale ou scolaire, sans une dimension de dissymétrie, sans la reconnaissance d'une sorte de dénivelé qui seul sem-ble rendre possible l'autorité et la transmission : pour autant, nous savons aussi que nous ne pouvons ni ne devons désormais vivre cette relation sur le mode qui avait accompa-gné, dans les sociétés traditionnelles, la relation des supérieurs naturels (ou de ceux qui s'apparaissaient ainsi à eux-mêmes) aux inférieurs. Nous le pouvons d'autant moins que le travail de l'égalité, même ici, a fait son oeuvre, mais par d'autres voies.

À l'inverse en effet de ce qui s'est passé pour la femme, la révolution des mentalités a, pour l’enfant, précédé une révolution pleine et entière du droit. Dans nos relations effectives aux enfants, le critère de l'âge a, de fait, perdu progressivement et de plus en plus le caractère discriminatoire dont il aurait besoin pour fonder des relations qui pourraient rester vécues sur le mode de la dissemblance, de l'asymétrie ou de la non-réciprocité, comme c’était le cas dans les sociétés traditionnelles. Nous nous confrontons donc ici à une figure particulièrement complexe de ce qu'induit la dynamique démocratique de l'égalisation des conditions dans ce qu'elle a, comme disait déjà Tocqueville, d'irrésistible : d’un côté, nous ne pouvons plus exclure l'enfant du statut de “ semblable ” qui est, par définition, celui de l'individu démocratique, et en conséquence, nous instaurons avec lui, de plus en plus, dans l'école comme dans la famille, des relations qui, de fait, se développent sur des bases d'égalité (par exemple en nous interdisant le recours aux moyens “ autoritaires ” de domination); mais d’un autre côté ce régime de la similitude est impraticable jusqu'au bout, ne serait-ce que parce qu'il apparaît difficilement compatible avec l'idée même d'éducation et avec une relation à l'enfant qui, comme relation éducative, se fonde sur une supériorité de l'éducateur vis-à-vis de l'éduqué. Dans la tension où elle se trouve avec la dynamique de l’égalité, cette supériorité se donne aujourd'hui et ne peut que se donner aujourd'hui de moins en moins les moyens "traditionnels", au sens propre, de se faire, sinon reconnaître, du moins admettre, mais elle doit pourtant s'affirmer – si du moins il doit exister quelque chose comme une école ou comme une famille. Toute la difficulté est donc là : le régime de la similitude, entré dans les mœurs, rencontre de lui-même ses propres limites sans pouvoir toutefois les fixer clairement.

La difficulté est d’autant plus ardue, j'achève de la cerner, que des points de re-père normatifs clairs ne pourront sans doute pas ici être inventés : j'en ai déjà dit un mot en marquant la différence entre ce qui se produit pour le rapport à l'enfance et ce qui s'est produit pour l'égalisation dans le couple, j'y reviens par un autre biais. Apparem-ment, la proclamation des droits de l'enfant, qui est l'une des grandes conquêtes de ces dernières décennies, va dans ce sens, c'est-à-dire dans le sens de la fixation de points de repère normatifs. On sait qu'il y a eu au cours de ce siècle trois textes internationaux énonçant des droits de l'enfant, en 1924, en 1959 et en 1989. Très schématiquement, on peut dire que les deux premiers textes se bornaient à énoncer des droits correspondant à des protections qu'il apparaissait légitime d'accorder à l'enfant en raison de sa fragilité ou de sa vulnérabilité : protections physiques, contre la faim, la maladie, la détresse, l'exploitation, et protections morales, contre tout ce qui nuirait au développement spiri-tuel de l'enfant et entraverait son éducation à la moralité. Ces droits ouvrant sur des pro-tections de l'enfant correspondaient en fait aux devoirs ou aux obligations que les parents ou les adultes en général sont censés éprouver à l'égard des enfants : en ce sens, la proclamation de tels droits, en 1924 (SDN) et en 1959 (ONU), ne déstabilisait pas encore fortement le dispositif traditionnel de la relation à l'enfance, et il est important de noter que, sous ce rapport, il n'y a pas eu de transformation notable entre les années 1920 et les années 1950, donc au fond jusqu'à une époque fort récente.

Tout change en revanche dans la Convention de 1989, qui marque un bouleversement très fort dans la représentation de l'enfant dont on reconnaît les droits, puisque cette fois le texte (qui sa caractérise significativement par son ampleur tout à fait nouvelle, puisqu'il compte 54 articles) s'ouvre par l'indication que chaque être humain, adulte ou l'enfant, peut se prévaloir de tous les droits et de toutes les libertés inscrites dans la Déclaration universelle des droits de l'homme de 1948 : en conséquence, la Convention de 1989 commence certes, elle aussi, par énumérer une série de droits-protections, mais elle enchaîne avec une extraordinaire série de droits qui correspondent cette fois à des libertés : liberté d'opinion, d'expression, de pensée, de conscience, de religion, d'association, de réunion pacifique, et même (ce qui peut faire sourire) droit au respect de la vie privée. Chacun conviendra que cette fois la relation à l'enfance, exprimée par la représentation que la Convention en donne, a effectivement basculé, et que, si dans le lent processus de libération des enfants (de constitution des enfants comme des libertés) qu'a accompli la modernité et qui s'est enclenché il y a fort longtemps, il faut marquer un point décisif de basculement, c'est sans doute au-delà des années 1950 qu'il faut le situer : autrement dit, la coupure éducative (celle qui, en raison directe de la représentation de l'enfant comme porteur de tels droits-libertés, va problématiser l'éducation et faire surgir problématiquement le programme d'une éducation sans autorité ni sanction) passe entre la génération qui a exprimé ou reconnu sa perception de l'enfance dans un texte comme celui de 1959, et la génération qui exprime ou reconnaît son rapport à l'enfance, même avec des doutes, avec des interrogations, même problématiquement, dans un document comme celui de 1989. Ce pourquoi je disais tout à l'heure que, dans ce contexte (qui est vraiment le nôtre), nous ne pouvons plus et nous ne pourrons plus disposer de repères normatifs clairs pour dire jusqu'où va la liberté de l'enfant, puisque, très visiblement, l'enfant est ici reconnu, au moins tendanciellement, comme un semblable et donc comme porteur des mêmes droits-libertés que l'adulte – auquel cas la question de savoir comment fixer des limites à l'expression de ces libertés, de façon à fonder une pratique claire de l'autorité et éventuellement de la sanction éducatives, devient une question extrêmement délicate, et cela non pas par hasard, ni par aberration soudaine d'une société ou d'une civilisation, mais parce que la dynamique démocratique, que nous approuvons tous et dont nous considérons les valeurs qui s'y déploient comme des valeurs sacrées, a englobé un être humain, l'enfant, que nous nous sommes mis aussi à nous représenter comme un semblable.

Que faut-il tirer de ces observations ? Les termes de ce problème, une fois qu’on les a cernés ( conformément au registre “ théorique ” de mon interventgion ) à partir de la grille d’intelligibilité fournie par une référence à la dynamique des sociétés démocra-tiques, sont à vrai dire si complexes qu'il me semble effectivement possible de désigner cette situation, sans pathétique superflu, comme celle d’une “ crise de l'éducation ”, sur ses deux versants, familial et scolaire – une situation dont sa désignation comme une situation de “ crise ” correspond ainsi au registre de mon intervention qui correspondait à la recherche d’un diagnostic. À condition toutefois de ne pas se méprendre sur ce dia-gnostic et de préciser aussitôt qu’une telle crise se trouve liée à une disparition inévita-ble de la famille traditionnelle et de l'école traditionnelle – entendre : une disparition tellement liée à nos choix de valeurs, quant aux modalités de notre être-ensemble, qu'il n'y aurait aucun sens à l'analyser sur le mode de la déploration ou de la nostalgie à l'égard d’un modèle regretté. Si l'on veut parler de crise, il faut donc le faire, me semble-t-il, hors de tout discours du type de celui que tenait par exemple Hannah Arendt quand elle évoquait une telle crise de l'éducation, au début des années 1960, dans son texte célèbre, mais polémique sur La crise de la culture, où elle suggère que la crise actuelle de l'éducation conduit à faire surgir, pour les enfants, une situation qui, écrit-elle, est “ pire qu'avant ”, sans au reste préciser exactement “ avant quoi ” : pour ma part, je crois que s'il faut parler de crise, c'est au sens de la déstabilisation que j'ai évoquée, mais en désignant par là une crise sans passé perdu, sans repli envisageable sur un “ autrefois ” à recomposer - mais néanmoins une crise. Je crois que ni l’optimisme béat qui dit que tout cela est très sympathique, chouette et chaleureux, ni la déploration qui dit que tout s’est effondré et que nous allons vers la catastrophe, ne sont de mise. Il s’agit d’une crise en ce sens que nous ne parvenons pas à stabiliser, en tout cas pour l’instant, le processus engagé et à nous y orienter selon des points de repère qui, sitôt trouvés, ne devraient pas déjà, pris à leur tour dans la même dynamique, être à leur tour abandonnés. Concernant l'“ autrefois ”, par rapport auquel le présent serait tellement “ pire ”, comme disent si volontiers Arendt et les arendtiens français, je rappelle tout de même, sans remonter au droit de vie et de mort du paterfamilias antique, qu'en France les fameux articles 375 à 379 du Code civil napoléonien, qui disposaient que le père possédait sur la conduite de ses enfants de “ moyens de correction ” et, notamment, du pouvoir de faire enfermer son enfant dans une prison d'État pendant un maximum d'un mois, pour les enfants de moins de 16 ans, sans aucun contrôle de la justice, ont symbolisé le statut du mineur jusqu'à une date extraordinairement tardive (1935) : dans ces mêmes articles du Code civil, le père recevait le pouvoir, au-delà de l'âge de 16 ans, de requérir la détention de ses en-fants pendant 6 mois ou plus auprès du président du tribunal d'arrondissement. Bref, il convient tout de même, si l'on veut écrire ou dire que les choses, pour les enfants, sont aujourd'hui “ pires qu'avant ”, de savoir de quoi l'on parle et ce que l'on dit exactement quand on s'exprime en ces termes.

Cela dit, à réélaborer toutefois l’idée de crise de l'éducation dans le sens où je propose de l’entendre ici, c’est-à-dire comme une crise structurelle liée à une disparition irrésistible de la famille et de l’école traditionnelles, la question qu'il devient impossible d'esquiver semble devoir être celle des remèdes. J’aborde sur ce point et pour terminer le registre pratique ou pragmatique de mon exposé, celui qui impose de dessiner des solutions ou en tout cas des pistes à explorer pour mieux maîtriser les effets d’une telle crise de l’éducation inhérente à la dynamique démocratique. J'ai sur ce point, pour ma part, une ou deux convictions que j'ai essayé de présenter et d'argumenter à la fin de mon livre sur l'enfance. Je me borne à en dire quelques mots. Elles tournent autour d'une sorte de complément éthique à apporter à cette juridicisation du rapport à l'enfance qui s'est introduite à la faveur du renouvellement contemporain du thème des droits de l'en-fant - une sorte de complément éthique, non pas tant, comme croit pouvoir le dire le discours purement réactif et régressif, du côté des enfants (au sens où l'on croit souvent qu'il suffit, pour équilibrer l'affirmation des droits de l'enfant, rappeler aussi l'impor-tance des devoirs de l'enfant) : mes suggestions vont plutôt dans le sens d'un complé-ment éthique recherché du côté des parents et des éducateurs, au sens où nous avons à l'égard des enfants des devoirs et des obligations qui ne correspondent à aucun droit de leur côté, et qu'il dépend donc de nous et de nous seuls de nous remémorer pour rééqui-librer au moins partiellement les effets de la reconnaissance des droits. Je préciserai un peu ces pistes dans ma conclusion, mais ma conviction est surtout que personne ne dis-pose aujourd'hui d'une réponse raisonnable et thématisée à cette question des remèdes, et qu'il s'agit peut-être moins de le déplorer que de creuser vraiment cette question et de savoir pourquoi elle nous laisse si démunis. C’est avant tout par un tel effort d’approfondissement que je voudrais terminer.

En plus de deux siècles, nous avons à peu près appris à comprendre ce que c'est qu'une société démocratique et, même plus largement, une relation “ démocratique ” (établie sur base d'égalité et de liberté) entre des adultes : encore faut-il convenir que, dans le couple, nous ne le savons, ou même ne commençons à le savoir, que depuis bien peu de temps. Dans ces conditions, comment ne pas convenir que nous ne savons pas encore ce que seraient une famille et une école “ démocratiques ”, adossées aux princi-pes de la liberté et de l'égalité, et que nous ne savons donc pas encore ce que serait vraiment une éducation modernisée ? En revanche, comment ne pas se convaincre aussi (et cette question me fournira ma conclusion) que c’est en s'efforçant de comprendre le sens et l'importance de cette problématique, en s'efforçant de la développer aussi bien théoriquement que pratiquement, qu’il devrait devenir possible, non pas peut-être de résoudre, mais en tout cas de vivre de façon moins aveugle une crise qui est intrinsèque au choix irréversible de nos valeurs et qui, pour cette raison, ne se résorbera sans doute plus, sauf à travers la disparition des sociétés démocratiques, si par malheur ces sociétés devaient disparaître un jour ?

Une ultime et brève remarque, si vous me le permettez, que je préciserai, si vous le souhaitez, dans la discussion. A cette proposition d’approfondir la question de la crise structurelle de l’éducation, on peut certes être tenté d’opposer le sentiment de l’urgence qu’en viennent à éprouver certains éducateurs, dont il n’est pas difficile de comprendre que, face à une situation souvent extrêmement urgente et absolument contraignante pour eux, ils pourraient avoir quelque difficulté à se satisfaire d’une proposition d’approfondissement de la question. A une telle objection, je répondrais en essayant de faire apercevoir en quoi cet approfondissement est à concevoir déjà comme une avancée dans la résolution des problèmes qui nous préoccupent. Car reposons la question : que faire dans l’urgence ? Je crois en fait qu’il y a deux types de position susceptibles d’être adoptées aujourd’hui, l’une n’excluant pas l’autre et ma sympathie allant plutôt vers la première. La première en appelle à un bricolage guidé par et conscient de la teneur des difficultés que nous vivons – ce pourquoi je soutiens cette thèse selon laquelle la compréhension de la crise de l’éducation ne doit pas être interprétée à partir de phénomènes circonstanciels, mais par référence à des processus structurels, portant sur le long terme, qui engagent des questions de choix de valeurs.

Il faut, à cet égard, être cohérent. Si l’on accorde que nos difficultés sont intrin-sèques à la culture des sociétés démocratiques, il nous faut faire en sorte, autant qu’il est concevable, que les solutions que nous adoptons, face à tel ou tel problème qui surgit dans l’espace familial ou dans l’espace scolaire, aujourd’hui ou demain, soient en ac-cord avec les valeurs que nous défendons. En d’autres termes, le bricolage auquel nous recourons tous plus ou moins, individuellement ou collectivement, se doit au minimum de pas entrer en contradiction avec l’égalité et la liberté démocratiques, quand bien même nous mesurons par ailleurs la puissance déstabilisante de ces valeurs par rapport au lien pédagogique, familial et scolaire. Sous ce rapport, je ne suis pas sûr par exemple que le bricolage hâtif d’un arsenal répressif, incluant entre autres le recours à un nouvel enfermement, même “ humanisé ”, d’enfants de 13 ans résisterait longtemps à une ana-lyse qui en confronterait le principe avec notre choix des valeurs démocratiques. Inver-sement, un nouvel abaissement de l’âge de la majorité civique ( qu’on la situe à 17 ou à 16 ans ) me semble devoir être directement induit par le choix de telles valeurs : s’il se trouvait accompagné par la véritable éducation à la citoyenneté qu’un tel abaissement implique, l’occasion serait ainsi fournie pour l’école de rassembler dès la classe de se-conde ou de troisième les principes éthiques et juridiques qui doivent structurer la cons-cience d’un citoyen et structurer l’exercice de sa liberté. Ces exemples me permettent donc, d’ores et déjà, de répondre à l’objection de l’urgence : l’appel que je vous ai pro-posé d’entendre à l’approfondissement des questions qui se posent à nous n’intervient pas pour différer les réponses urgentes qu’il faut apporter aux situations concrètes ; il permet simplement de ne pas, dans l’urgence, répondre n’importe comment, sans prin-cipes ni autre souci que celui d’une efficacité plus apparente ( celle qui compte dans les effets d’annonce ) que réelle.

L’autre solution, couramment évoquée aussi bien dans les classes que dans les familles, c’est le recours au talent personnel. Je comprends asssurément que dans la si-tuation de crise très profonde où nous sommes placés, le talent puisse apparaître, à cer-tains d’entre nous, comme une solution. Être bon comme parent, être bon comme éducateur, cela veut dire alors, non pas être un parent ou éducateur qui fait preuve de bonté ou de générosité, mais être bon dans cette affaire comme l’on est bon au tennis. C’est là visiblement une ressource qu’il est possible d’envisager puisque nous savons bien qu’elle fonctionne effectivement ici ou là, autour de nous, quand nous voyons à l’œuvre un bon enseignant, ou encore des parents qui sont bons ( comme parents ). Bref, dans cette situation de crise, il faudrait faire preuve d’inventivité, de talent, de ressour-ces personnelles. Il faudrait trouver des “ trucs ” pour faire en sorte, qu’en dépit de cir-constances difficiles, nous puissions retourner à notre avantage toutes les situations pédagogiques.

Cette solution me paraît cependant, au-delà des succès immédiats qu’elle rencontre ou croit rencontrer, profondément inadaptée. Nous devons faire fonctionner l’école avec les gens tels qu’ils sont. Il y a de très nombreux éducateurs. Certains, disons même : beaucoup ont en effet du talent ; il n’en demeure pas moins que l’éducation doit fonctionner avec tous. La solution qui consiste à faire appel au talent de l’enseignant conduit, au fond, à culpabiliser, au plan personnel, celui qui, dans des conditions parfois difficiles, ne parvient pas à “ tenir ” sa classe. Or, très simplement dit : ma conviction est que ce n’est pas juste. Il s’agit là, de fait, le plus souvent de situations dont l’individu n’est pas foncièrement responsable et dont la teneur doit être analysée dans des termes qui n’ont rien à voir avec une question de talent ou d’absence de talent. Il me semble que nous devrions penser ce problème en ne nous contentant pas de renvoyer les éducateurs et les enseignants à la question de savoir s’ils disposent ou non, à titre personnel, de ce fameux talent. A mes yeux, cette façon d’approcher la difficulté en masque même la véritable teneur et la radicalité, en faisant porter l’accent là où il n’est pas.

En ce qui me concerne, je plaide pour la complexité inédite du dossier éducatif. Je crois que la question actuelle, qui est celle de savoir quel type de domination est compatible avec une conscience démocratique fonctionnant à l’égalité, est extrêmement délicate et qu’il ne faut pas imaginer que les formules personnelles, celles de la séduc-tion ou du charisme, permettent de lui répondre, si peu que ce soit.

Toutes les formes de domination charismatique, même plus ou moins sympathi-ques, sont des formes de tyrannie. La formule spinoziste doit ici être rappelée : les pires tyrans sont ceux qui savent se faire aimer. Sur le fond, je pense évidemment que si l’on exclut la figure charismatique, deux démarches demeurent envisageables.

La première, appelons-là conservatrice, serait axée sur la défense de ce qui sub-siste de “ traditionnel ” dans l’école. A mes yeux, il ne faut assurément pas exclure du monde scolaire la composante traditionnelle qui lui est consubstantielle, et qui consiste à faire apprendre des savoirs établis comme savoirs transmis. Cela renvoie à quelque chose qui relève d’une tradition du savoir. En réfléchissant aux limites de cette trans-mission / tradition du savoir, sans doute existe-t-il là quelque chose sur quoi nous pou-vons encore nous appuyer. Reste que cet appui sera par définition précaire s’il n’intègre pas les exigences de l’univers démocratique, qui fragilisent par elles-mêmes, pour le meilleur comme pour le pire, la dimension de la tradition : pour le moins un chantier s’ouvre-t-il désormais devant les éducateurs, qui auront à concevoir et à pratiquer les modalités d’une nouvelle transmission du savoir.

Au-delà de l’ouverture de ce chantier, l’autre démarche à envisager touche à la question de savoir jusqu’à quel point la refondation contractuelle de l’autorité éducative, envisagée aujourd’hui à juste titre comme une issue, est compatible avec la relation fa-miliale et scolaire.

J’y vois deux difficultés. D’une part, dans le cadre de l’école ou de la famille, il s’agirait de toute façon de quasi-contrats. Une tentative importante et complexe, très présente aujourd’hui, consiste à instaurer l’enfant dans une relation quasi-contractuelle en vertu de laquelle il apparaît comme un citoyen. Or, étant entendu qu’il n’est précisément pas un citoyen, la difficulté est de savoir en quoi ce contrat est spécifique. Car, malgré tout, c’est le maître qui instaure le contrat tout en laissant penser à l’élève que, d’une certaine façon, il est partenaire de son instauration. Par conséquent, comment traiter des individus comme des citoyens alors que nous savons bien qu’ils n’en sont pas encore ? Les droits et libertés qu’énumère, à mon avis très utilement, la convention des droits de l’enfant de 1989 correspondent à des quasi-droits et libertés. Un droit comme celui de l’enfant à l’intimité, par exemple, prête parfois à sourire plus que d’autres droits reconnus par la Convention, mais il faut en réalité apercevoir que ce droit ne pose pas plus de problèmes, mais pas moins non plus, que le droit à la liberté d’opinion, d’expression, d’association, plus généralement : tous les droits-libertés reconnus à l’enfant. A travers les inévitables problèmes de limites posés par de tels droits, c’est en fait la dimension contractualiste du rapport démocratique à l’enfance qui, ici, trouve elle-même ses propres limites, ou plutôt : a du mal à les définir – car dès lors que nous envisageons l’enfant comme le quais-partenaire d’un quasi-contrat, comment déterminer les domaines et, au sein de ces domaines, les points précis où il convient de renoncer à l’esprit de contrat pour faire réapparaître une autorité qui ne se négocie ou ne se discute plus ?

Deuxième difficulté : la pénétration de l’esprit de contrat dans le lien familial et, plus largement, dans le lien éducatif rencontre une autre limite dans ses effets mêmes. J’y ait fait allusion tout à l’heure en appelant à un complément éthique. La contractuali-sation juridicise la relation à l’enfance, où l’enfant n’apparaît plus que comme le parte-naire d’une relation juridique. Je me reconnais comme devant quelque chose à un enfant parce que je l’identifie comme ayant des droits. Et réciproquement. Ainsi, dans les dé-bats actuels sur les incivilités ou sur les difficultés de l’éducation, nous enfermons de plus en plus la discussion dans ce cadre en rappelant qu’il faut enseigner aux enfants qu’ils ont non seulement des droits mais aussi des devoirs. Le plus souvent, on croit que ce rappels aux devoirs des enfants suffit à arracher la discussion à l’orbite du droit. Il n’en est rien. C’est en effet très exactement le propre de la relation que de faire apparaî-tre les devoirs que nous avons à l’égard de quelqu’un qui a des droits et réciproquement. Or la relation éducative aux enfants peut-elle se réduire à ce paradigme juridique ? A le faire, ne perdrait-elle pas une part essentielle de sa spécificité et de sa richesse, voire certaines de ses conditions de possibilité ?

Peut-être faudrait-il penser en fait une autre limite à l’idée de contrat qui consisterait à penser la relation éducative des adultes aux enfants, non comme une relation exclusivement juridique ou exclusivement quasi-contractuelle, mais aussi comme une relation éthique en vertu de laquelle les adultes ont des devoirs, des obligations intrinsèques à l’égard des enfants, et ce, y compris dans des cas où il n’y correspond pas de droits du côté des enfants. Nous leur devons, par exemple, une foule de choses qui, indépendamment du charisme, de la séduction ou de la démagogie, font une relation éducative réussie : par exemple de la disponibilité, une forme de conscience chaleureuse, disponible, souriante, etc. Nous ne trouvons nulle part, dans les déclarations des droits de l’enfant, un droit qui corresponde à ce genre de devoir des adultes à l’égard des enfants. Apparaît là une figure du lien qui est plus éthique que juridique, qui échappe aux trois modèles wébériens de la domination – traditionnelle, charismatique, contractuelle – parce que, précisément, la relation éthique n’est pas contractuelle. Il me semble que plaider pour un supplément d’éthique, entendu au sens d’une éthique de la sollicitude, dans la relation des adultes aux enfants, ce ne serait certes pas résoudre toutes les difficultés, mais ce serait au moins indiquer une piste qui permettrait peut-être d’atténuer les effets d’une juridicisation trop exclusive de la relation à l’enfance. Sur la juridicisation elle-même, il ne s’agit bien sûr pas de revenir : elle a arraché l’enfant à des formes d’exploitation et de domination incompatibles avec son humanité. Je plaide seulement pour que, au-delà des acquis juridiques, non négociables, de ces vingt ou trente dernières années, on prenne aussi en compte d’autres dimensions de la relation à l’enfance, en considérant tout ce que l’adulte doit à l’enfant qui ne correspond à la reconnaissance d’aucun droit.