Quiconque refusera d’obéir à la volonté générale y sera contraint par tout le corps... Si déjà pour Rousseau le passage d’une multitude à un corps politique était subordonné à l’apparition miraculeuse du Grand Législateur, la question aujourd’hui, dans nos sociétés démocratiques et pluralistes dont l’unité politique se fragmente et se disloque au gré des volontés particulières, ne serait-elle pas d’inventer ou de retrouver une nouvelle fiction politique unificatrice ? Quoi de mieux alors que de recourir à la Révolution, à la fois comme légende et comme vecteur historique princeps des mutations nécessaires ? L’idée de Révolution ne demeure-t-elle pas, depuis 1789, la seule promesse d’ouverture de l’Histoire ?
Pourquoi la révolution, dira-t-on ? Comment, ou plutôt, en quoi, l’idée de Révolution, a-t-elle encore un sens moteur pour l’ère post-moderne ? Demeure-t-elle une idée neuve comme, à l’époque, le disait du bonheur Saint-Just ? La situation idéologique et politique en ces temps où les pays arabes secouent les vieilles dictatures et se réclament fièrement d’avoir réinventé la Révolution, permet-elle à un projet révolutionnaire d’opérer aujourd’hui comme « accoucheur de l’histoire », de la même manière qu’il a rythmé la construction moderne du politique depuis sa première transformation dans la Déclaration de 1789 ? Ne faut-il pas en sus compter, dans nos vieilles sociétés occidentales, avec cette incertaine certitude des appartenances, qu’évoquait déjà Hegel mais qui est devenue la marque la plus vive peut-être de la dialectique de l’individu et du citoyen post-moderne.
Autant de questions, autant de pistes que je m’apprête à explorer avec vous, ce soir. Je les regroupe pour en débattre sous les deux chefs principaux qui scandent les moments selon lequel se déploie le temps révolutionnaire : 1) le temps du constat socio-symbolique, 2) le temps de l’espoir pragmatique. Je conclus en me demandant si à temps post-moderne ne correspond pas tout bonnement révolution post-moderne. J’accompagne mon analyse de commentaires et d’exemples tirées de mon expérience quotidienne à l’Alexandrie post-révolutionnaire, cet été.
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