Question proposée par Le comité scientifique de la Chaire UNESCO-UQAM d’étude des fondements philosophiques de la justice et de la société démocratique.
Le texte qui a remporté le prix Jean-Jacques Rousseau.
Décembre 2001.
Axelle Martin
On désigne par le terme mondialisation un processus qui tend à imposer un nouvel ordre économique mondial, fondé sur l’extension et la fluidité des frontières économiques, régi par la loi du profit sans borne au sein d’une concurrence spontanée entre les acteurs économiques. Ce phénomène se traduit par la volonté de certaines multinationales de produire les conditions nécessaires à l’accroissement de leur puissance, et le moyen pour y parvenir consiste à utiliser leur force financière et économique pour contourner les législations économiques contraignantes - par exemple les lois nationales - , voire, lorsque leur puissance est suffisante, à les mettre à bas afin d’y substituer une législation dont la finalité dernière est de favoriser leur intérêt.
La mondialisation est donc un processus en devenir, qui va dans le sens d’une unification et d’une uniformisation graduelle des règles et des valeurs du système économique, et par extension, nous le verrons, des règles et valeurs de l’ensemble des activités des sociétés, en tant que ces activités sont en relation étroite et permanente avec le phénomène économique. Mais cette homogénéisation ne se fait pas sans violence et elle peut se comprendre en réalité comme le désir de quelques uns d’imposer aux autres un modèle unique, ce qui est le propre de la prise de pouvoir totalitaire. Le moyen pour cette finalité est un déplacement du lieu du pouvoir, dans lequel la raison légiférante traditionnelle perd sa place et sa fonction. De ce lieu nouvellement conquis, les tenants de la mondialisation substituent au discours rationnel un autre type de discours, qui a pour objectif 1) de justifier l’augmentation de leur propre pouvoir, et 2) de proposer aux hommes un modèle politique et social qui vient remplacer ceux de la raison. Mais si le combat semble presque gagné d’avance par le pouvoir de l’argent et les passions contre la raison, il reste, et c’est ce que nous voulons mettre en lumière, que les contradictions inhérentes à la mondialisation sont peut-être ce qui permettront à la raison de retrouver son vrai lieu, et aux hommes de procéder à une refondation du politique.
- I -
1 - La mondialisation est devenue une question et un problème lorsqu’elle est entrée en conflit de manière visible - non pas de son fait, mais parce que ses contradicteurs ont mis en lumière ses principes et ses fonctionnements - avec les règlementations nationales ; autrement dit, lorsqu’il est apparu qu’il s’agissait d’un processus venant substituer de l’extérieur ses propres lois aux lois déjà existantes dans les États. La mondialisation est donc d’emblée perçeu, non comme un fait social ou naturel, mais comme un problème juridique. Sous ce nom, il y a des entités, des puissances, les multinationales, et derrière ce nom lui-même, des hommes, qui étendent leur pouvoir en faisant leur loi - une loi qui ne sert qu’eux-mêmes, et non plus la communauté civile.
Ce processus se manifeste donc premièrement dans son rapport à la loi, et c’est par là qu’il est identifiable. En quoi consiste-t-il en effet ? En un vaste mouvement de déréglementation, progressif - mais cependant brutal - atteignant toutes les sphères du juridique national et international. Cette déréglementation produit elle-même un éclatement des normes et l’imposition de nouvelles normes. Ce qui est défait, là-dedans, ce sont donc 1) les règles et 2) les normes.
Dans les sociétés civiles développées (autrement dit, les pays riches), ces règles sont le fait d’une législation légitime, étant sous-entendu, d’une part, que la société civile elle-même trouve son fondement dans la notion de contrat social, d’autre part, que l’intelligibilité première prévalant dans le cadre de ces sociétés est celle fournie par le droit (1). Le recours à la règle de droit prime dans toutes les législations, elle est le référent premier et dernier, ce qui fait du principe de raison juridique le principe fondamental de l’ordre social. Dans les sociétés modernes, la loi est tenue pour obligatoire car elle est rationnelle, elle tient son pouvoir du pouvoir même de la raison, et non d’un être supérieur (Dieu, par exemple). La validité de la compétence du législateur est jugée en fonction de sa cohérence, son universalité, sa continuité, et la validité d’une loi en fonction de sa non-contradiction avec d’autres lois, son applicabilité à tous, et le fait qu’elle ne fasse pas de saut brusque. La déréglementation dans les pays modernes ne consiste donc pas uniquement dans un vague changement de lois positives, opéré en vertu d’une « vision réaliste » des changement du monde et des consommateurs. Dans la mesure où ces déréglementations sont le fait de particuliers, et visent la protection unique de ces intérêts particuliers, les nouvelles règles perdent leur caractère universel et leur rapport à la règle de droit comme instance de validation.
Quant aux normes des sociétés, riches ou pauvres, elles sont - pour aller très vite - de deux sortes : la norme juridique produite par la loi, qui va produire une certaine forme de réel, dans la mesure où il va donner la règle du comportement pour les individus ; et la norme sociale, aux limites beaucoup plus indéfinies et mouvantes, norme qui se constitue dans l’esprit des gens par un mélange complexe de représentations du juridique, de tradition, de morale, de moeurs : bref, ce fourre-tout (signifiant pourtant) permettant à chacun de dire : ceci se fait, et est accepté dans le cadre de la norme existante. La mouvance de ces représentations et l’évolution des principes qui les constituent (loi, moeurs, etc.) fait de cette norme une chose variable (changement des mentalités).
2 - Que les règles ou normes dont il est question ici aient été de fait mauvaises, injustes ou dysfonctionnelles, n’entre pas en ligne de compte, et ne doit pas entrer en ligne de compte comme discours justifiant la déréglementation du libéralisme aveugle. Il ne s’agit pas de critiquer la subsitution d’une règle à une autre, mais la manière dont la seconde se substitue à la première, car c’est dans cette manière que peut se découvrir le critère de référence de la seconde. Or, avec la mondialisation, nous n’avons pas à proprement parler affaire à un détricotage des règles, un chemin à l’envers, suivant en quelque façon, à rebours, l’intention de rationalité mise dans ces lois, à fin d’en instituer de meilleures en fonction du même principe rationnel. Si détricotage il y a , c’est par destruction systématique de chacune des mailles. Dans le processus de mondialisation, les législations nationales sont considérées comme autant d’obstacles à l’accroissement de la puissance des multinationales, dans la mesure où en principe, elles sont faites pour protéger les intérêts premiers de chacun, propriété, santé, vie, mais également l’unicité de certains fonctionnements économiques propres à une société. Pour imposer leur loi, les multinationales annulent tout simplement ces lois initiales, en les remplaçant par d’autres lois, ou en rendant l’application de la loi si coûteuse qu’aucun état ne prend plus le risque de l’appliquer : la chartre des investisseurs de l’Aléna (Accord de libre échange nord-américain) par exemple, permet aux compagnies privées de poursuivre les États si des mesures gouvernementales entravent leur activité. Et de fait, ces compagnies poursuivent les États, et gagnent leurs procès.
Nous constatons donc l’introduction de paramètres spécifiques, qui rendent plus que problématique les nouvelles normes mises en place : celui de la violence et de l’extériorité radicale. Les nouvelles lois ne sont plus l’objet d’un consensus national, ou ne se réclament plus d’une rationalité universelle (elles ne prennent même plus la peine de prendre l’apparence du droit, ce qui devrait inquiéter), elles sont le fait de volontés particulières assez puissantes pour faire plier la puissance législatrice et exécutive des nations.
3 - C’est pourquoi le débat sur la mondialisation a surgi dans les sociétés modernes, en réalité non comme un débat, mais primairement comme un combat. Il ne s’agit pas de combattre des lois, on ne combat pas la loi injuste mais celui qui la met en place et l’impose de force. Le phénomène de mondialisation se joue sur le terrain de la loi, certes, mais ses acteurs sont des volontés de puissance qui veulent s’approprier cette loi. En effet, comme nous le disions, derrière ce terme, derrière la déréglementation, l’imposition de nouvelles normes, il y a un « qui ? ». Qui fait tout cela ? Quel intérêt ces nouvelles normes et règles servent-elles ? Celles de particuliers, dont le domaine d’activité et moyen est le commerce, et la fin l’accroissement de leur pouvoir (principalement, mais non uniquement financier). Protéger la liberté du commerce - autrement dit, la liberté pour les commerçants de commercer sans entrave - devient l’unique fin de la loi. Or, le commerce n’était, au point de départ, qu’un champ d’activité parmi d’autres de la société civile. Certes, un champ privilégié, dans la mesure où fondamentalement la société civile moderne fait reposer l’appartenance au contrat sur la possibilité et le droit de posséder et d’accroître sa propriété par le travail (2). Mais le contrat social a aussi pour finalité la sécurité de chacun des individus et la protection de leur biens. Or, que se passe-t-il avec la mondialisation ? Des particuliers, dont l’activité est le commerce, ont tellement accru leur pouvoir et leur richesse, qu’ils sont en mesure de devenir eux-mêmes législateurs au sein d’une nation, mais aussi de manière cosmopolite. De fait, les gouvernements nationaux sont en quelque sorte otages, pour bien des domaines, de ces multinationales, qui vont passer au crible chaque loi qui pourrait nuire à leur intérêt. Puisque tous les domaines d’activités d’une société (santé, culture, éducation, sécurité publique et nationale, etc.) sont dépendantes d’objets et de services, elles sont de facto dépendantes de ceux qui produisent ces objets et fournissent ces services. L’argent est effectivement le nerf de la guerre, et l’argent est du côté des multinationales. Comment soigner sans médicaments ou tables d’opérations, comment instruire sans argent pour les enseignants et les livres, sans écoles ? Cette prise de pouvoir par quelques uns pourrait ressembler à une aristocratie, à ceci près qu’ici, il n’est plus question pour ces nouveaux gouvernants de poursuivre le bien commun, mais uniquement leur intérêt particulier, fût-ce au prix de la vie des autres particuliers.
Nous avons donc bien un combat, puisqu’au point de vue de la loi, la mondialisation consiste en une prise de pouvoir de quelques uns sur tous les autres. Les législateurs réels - gouvernements - sont en réalités les jouets volontaires ou involontaires d’intérêts particuliers supérieurs en puissance, mais non en légitimité. Nous sommes donc en présence d’une opposition entre des intérêts particuliers, opposition qui, parce qu’elle provoque le conflit et la destruction, avait précisément (pour aller vite et sans repasser par toutes les théories contractualistes) donné naissance au contrat, ou au moins, avait fait surgir comme nécessaire ce tiers, cet arbitre qu’est l’État. Cette domination réelle de tous par quelques-uns provoque l’éclatement des normes, et l’éclatement des structures sociales, puisque par effet de domino, la déréglementation de ce qui touche au commerce va s’étendre à d’autres domaines, et en particulier les domaines des droits fondamentaux (liberté, santé publique, dignité humaine ...). Ainsi, l’excroissance monstrueuse d’un domaine d’activité de la société civile a permis à ceux qui l’exercent de faire de cette activité l’instrument de domination - et de destruction, le cas échéant, en cas d’opposition - de tous les autres, trop faibles ou trop désunis pour résister.
- II -
Face à ce phénomène, que peut raison, et a-t-elle encore une place dans ce processus ? La mise en face à face entre raison et mondialisation suppose un certain nombre de choses que nous voudrions exposer.
D’abord, cela suppose que l’on oppose la mondialisation, comme ce qui bouleverse, détruit, fait exploser, au nom de l’intérêt particulier, à la raison en tant que fondement de la société civile, en tant que ce qui permet de juger de la liberté, de la loi, du droit, en tant qu’elle légifère traditionnellement, et en tant qu’elle unit, pacifie et s’oppose aux passions (ici, celle du pouvoir).
Cela suppose également que l’on pense la raison en terme statique . Demander quelle place peut tenir la raison face à la mondialisation, c’est assigner un lieu à la raison, un territoire, en quelque sorte, qu’il lui faudrait protéger face à la déferlante de la mondialisation, qui correspond à l’accroissement (dynamique, par conséquent) d’un pouvoir (3). Dans ce monde de consommateurs mi-otages, mi-inconscients, où règne la loi du plus fort, la raison serait cette pauvrette condamnée à se retirer dans ses terres et à tenter d’y résister jusqu’au bout, comme on se retire dans le Larzac pour y vivre à l’écart d’un phénomène globalisant. Cette conception donne lieu à des représentations géographiques de l’îlot de résistance, de l’archipel. Il nous semble que cette représentation d’un combat dans lequel raison et mondialisation sont face à face comme deux forces en présence, deux volontés de puissances luttant pour la maîtrise de l’espace géographique, condamne d’avance la raison, qui n’est pas une volonté de puissance, précisément, et qui est donc destinée, à plus ou moins long terme, à céder devant la force.
Cela suppose enfin que l’on considère la loi comme le lieu propre de la raison. Ceci en vertu des principes que nous avons exposés, selon lesquels le fondement de la société civile est la raison de droit. Dans une société fonctionnant correctement, la loi est en principe l’expression de la raison, ou s’efforce de l’être - ou du moins, se pare, si elle est illégitime, du visage de la légitimité et du droit. Mais ce que met à jour la possibilité même du phénomène de mondialisation, c’est cette réalité qui n’a tout de même pas été ignorée par les penseurs politiques, à savoir qu’en fait, la raison a son lieu propre dans certaines lois. La pure loi raisonnable, légitime, acceptée comme telle par tous les citoyens, est peut-être un horizon juridique, mais dans les faits, la raison n’a son lieu dans la loi que lorsque la loi est juste et fondée en droit, précisément. En sorte que l’instance « raison » serait comme un législateur qui disparaîtrait avec ses lois, comme un souverain destitué. Car la mondialisation n’est pas l’absence de loi, bien au contraire, elle en est le changement brutal. Si la loi était le lieu propre de la raison, la mondialisation ne prendrait pas le droit comme terrain de combat.
Autrement dit, et c’est là que nous voulions en venir, la raison ne doit pas être pensée comme extérieure par rapport au processus de mondialisation. Elle n’est pas l’autre de la mondialisation et son ennemie.
Premièrement, parce que la raison n’est pas un être. L’hypostase abusive de la raison - parallèle à celle de la mondialisation - revient à faire de cette raison une volonté de puissance. Ce qui est en jeu, ce sont des intérêts particuliers défendus par des hommes particuliers, ayant conclus à cette fin des alliances particulières. La raison n’est pas absente de la mondialisation, mais c’est une raison. C’est la raison calculante et instrumentale - ce que la raison est aussi, et non pas seulement cette instance sublime que l’on vénère comme fin en soi - qui se trouve dans chacun des hommes, et aussi bien dans ces hommes intelligents, habiles, qui ont su accroîre leur pouvoir à un tel point qu’ils peuvent faire plier le pouvoir politique. Il s’agit d’une raison rationnelle, sinon raisonnable, celle qui nous permet de connaître tous les impératifs hypothétiques nécessaires à l’action - hors action morale.
Deuxièmement, tout le discours libéral justifiant la mondialisation est, précisément, un discours de légitimation. Le pouvoir de l’argent ne se donne même plus la peine de se justifier du droit tel qu’on le conçoit, autrement dit, de se donner le visage de la justice, mais il reste le discours d’un droit : un droit naturel. Le libéralisme tente de rendre compte de l’existence de la société comme production du jeu spontané de répétitions inhérentes à la nature de l’homme, dont le marché serait la manifestation, une sorte de manifestation juste en tant qu’elle surgirait d’une auto-régulation de ces forces naturelles. La disparition progressive du pouvoir des États aujourd’hui serait donc l’aboutissement de ce libéralisme, le marché étant en mesure d’assurer la fonction régulatrice de cet état. Par conséquent, et c’est ce qui nous intéresse ici, la mondialisation s’accompagne, de la part de « ceux qui mondialisent » , d’un discours d’auto-légitimation, d’un discours qui fait de la raison, ou du moins d’une certaine raison, le critère de validité ultime, lui faisant ainsi l’honneur de reconnaître sa fonction légitimante.
Il nous semble que c’est en ce point précis que peut s’identifier et se comprendre le véritable jeu de place / fonction entre la raison et la mondialisation, si tant est que l’on puisse les opposer comme deux entités.
En effet, la raison classique occidentale propose traditionnellement à l’homme un horizon, sinon un modèle, de type cosmopolitique. Les principes de la raison se reconnaissent à leur universalité théorique, leur formalité le cas échéant, la raison elle-même a la particularité d’avoir été donnée en partage à l’être humain dans sa généralité : autant de facteurs permettant de poser comme possible en droit l’idée d’une communauté humaine regroupant sous des mêmes lois - justes, de préférence - l’ensemble des êtres rationnels. La difficulté de faire advenir pratiquement cette communauté des individus tient à ce qu’ils sont déjà regroupés en entités séparées (nations, par exemple), et que l’adhésion à une communauté cosmopolite consiste en une adhésion à des principes rationnels, ce qui nécessiterait un consentement rationnel à (et donc une connaissance et une reconnaissance de) ces principes. Face à cet idéal de la raison, on trouve la réalité complexe des communautés dites « chaudes », constituées par l’histoire ou la tradition, et dans lesquels les individus sont unis par ce qui les sépare des autres, et touche à leur personne particulière : langue, tradition, cultes, lien de sang, identité du territoire, similitudes physiques, etc. À cette communauté « par le coeur », il est beaucoup plus facile de s’identifier qu’à la communauté universelle « par la raison », la première s’adressant à l’être social et subjectif, la second à l’être rationnel.
Or, comment fonctionne le processus de mondialisation ? Il vient en quelque sorte, et très subtilement, prendre la place de cet horizon cosmopolitique, pour en proposer un autre qui lui ressemble comme un frère, mais, et c’est là toute la différence, au principe près. La mondialisation fait miroiter aux individus un monde global, où nous retrouverions des modèles de production similaires partout, des modes de consommations identiques produisant des individus qui, pour résumer, mangeraient les mêmes choses, s’habilleraient, se cultiveraient et se divertiraient de la même façon. Autrement dit, une homogénisation parfaite de tout ce qui touche à la vie privée et domestique de chacun (cf. sur ce point la déclaration de Bill Gates, annonçant qu’il avait l’intention de « changer la manière dont les gens travaillent, communiquent et se divertissent », en particulier par l’introduction, dans tous les foyers, d’un ordinateur, si possible doté de logiciels identiques et uniques, ceux de Microsoft, par exemple ...). En un mot : le bonheur.
Par conséquent, les dirigeants des multinationales et leurs héraults ont étendu le pouvoir de leur empire par la proposition d’un modèle homogène très particulier, fonctionnant de la manière suivante : au lieu de s’adresser à la part rationnelle de l’homme, dont nous avons dit qu’elle rendait difficile une communauté universelle, ils s’adressent au côté chaud, à l’individu avec ses passions et son désir de posséder. Ils vont proposer une sorte d’Internationale du désir, un cosmopolitisme fondé sur l’identité du désir, quand les « vraies » Internationales, historiquement, se sont constituées à partir d’une différenciation, puisqu’elles sont nées de la luttes des classes ou de pouvoirs. Ces Internationales proposaient l’union à partir d’une séparation initiales entre des modes de vie, des cultures, des conceptions du monde (prolétariat/capitalistes, ceux qui veulent la paix et ceux qui veulent la guerre, etc. ). La globalisation telle qu’elle se profile dans le rêve mondialisant est au contraire l’unification de tous par la reconnaissance dans un désir commun et identique, que l’on peut produire, puis réguler et contrôler par un jeu de réglementations et de normes unique, issus d’un législateur lui-même unique (dans son principe sinon dans sa réalité : ce nouveau législateur étant, si l’on peut l’exprimer ainsi, la volonté de ces quelques multinationales alliées pour parvenir à leur propre idéal, le monople absolu (4).
Ce modèle unique, dénoncé par les adversaires de la libéralisation aveugle qui fonde le processus de mondialisation, vient en quelque sorte se substituer au modèle cosmopolitique rêvé par la raison classique, voire - mais il faudrait pour en donner la preuve un examen historique et politique complet qui dépasse notre cadre - n’est peut-être rendu possible que par la conjonction de la mystérieuse persistance, dans l’homme, d’un désir d’universalité, et de l’échec historique des tentatives de réalisation de ce cosmopolitisme idéal (manifeste en particulier dans leur dérive totalitaire). Il est très possible que le phénomène de mondialisation tel qu’il a lieu se soit engouffé, en quelque sorte, dans le « créneau » déjà contenu, comme en germe, dans un certain type de discours rationnel, à savoir celui de l’homogénéisation universelle, fondé lui-même sur ce que Hegel désigne comme un faux modèle de l’identité. Les tentatives d’explication de l’homme par une mécanique réductible à des causes générales, faisant de la nécessité naturelle le « cercle d’airain » qui limite notre vie physique mais également psychique et spirituelle (5), relèvent de cette volonté, peut-être de ce désir, de réduire le monde, et l’homme en tant qu’il en est un élément, à des objets pensables. Le paradoxe d’une raison qui voudrait penser le vivant et la pure diversité sous des concepts, sans pouvoir faire autrement, puisqu’elle dispose principalement du concept pour atteindre à l’intelligibilité du réel, est peut-être la faille par laquelle ce discours de la fausse identité s’engouffre et se développe. Le tout rationnel (mais non pas le tout raisonnable, et c’est sans doute ce qui fait la différence), la réification du réel déplorée par Bergson, la crispation du « Begriff » qui manque l’Être selon Heidegger, sont autant de figures du désir d’unification et d’homogénéité, désir que vient reprendre à son compte le discours de la mondialisation.
Par conséquent, la raison ne peut plus être dit l’autre de la mondialisation, puisque cette dernière a en quelque façon récupéré, d’une part la fonction calculante de la raison (tout se comptabilise, se marchande, se calcule), d’autre part son horizon - pour le pervertir et lui substituer le sien. Les tenants du libéralisme défendent la mondialisation telle qu’elle a lieu en la présentant comme un processus naturel, mais aussi un modèle rationnel, adapté à ce qu’ils prétendent être la nature humaine, à laquelle il faut présenter un monde nouveau et adapté.
- III -
Or, ce que nous voudrions montrer, c’est que d’une part, le discours de la mondialisation et ses prétentions constituent une imposture politique et sociale (justement parce qu’ils se fondent sur une fausse identité), au même titre que les dérives totalitaires du rêve cosmopolitique ; d’autre part, que la mise en lumière de cette imposture permet de réassigner à la raison sa place véritable, et de redonner sens à la formulation de l’opposition entre mondialisation et raison.
A - Le phénomène de la mondialisation, tel qu’il a lieu actuellement, est une forme de totalitarisme, puisque, que ses raisons et ses fins soient bonnes ou mauvaises, il consiste en une prise du pouvoir politique par quelques personnes non autorisées et non légitimes, prise de pouvoir qui a lieu dans les coulisses, certes, mais n’en demeure pas moins réel. Les prises de décisions politiques sont en principes motivées par la considération du bien commun et de la justice, quand bien même les gouvernants seraient loin d’être intègres : s’ils veulent durer au pouvoir, ils doivent maintenir un semblant d’illusion de justice. Au minimum, une décision politique est supposée être une décision pour le pays. Avec les traités de commerce mis en place et défendus par les multinationales, les lois nationales sont contournées, et les nouvelles réglementations sont des décisions pour les multinationales, autrement dit, elles ne sont supposée satisfaire qu’un intérêt particulier. Les hommes qui gouvernent ces multinationales n’ont pas été légitimement institués représentants des autres individus, et pourtant ils légifèrent indirectement sur ces autres. Nous sommes donc en présence d’un pouvoir illégitime, d’autant plus difficile à combattre qu’il ne se tient pas à la place officielle du pouvoir politique.
D’autre part, ces intérêts particuliers vont non seulement contre les autres intérêts particuliers, mais également contre la raison « raisonnable » (par différence avec la raison uniquement calculante), et leur satisfaction atteignent les hommes dans leurs droits fondamentaux, leur dignité, leur sécurité. Ils vont donc dans le sens de la dissolution des corps politiques.
Le signe de l’imposture et de la prise de pouvoir totalitaire, c’est la violence qui accompagne ce phénomène. Il ne s’agit pas uniquement d’un problème économique, et les débat sur la question l’ont suffisamment montré. La mondialisation, parce qu’elle est l’imposition à tous des intérêts de quelques uns, aboutit factuellement à la destruction des individus : - Les multinationales qui délocalisent la production dans les pays pauvres, s’enrichissent elles-mêmes mais font décroître la richesse des pays riches dans lesquelles elles sont nées : licenciement pour faire monter l’action en bourse, précarisation des emplois qui restent, avantages fiscaux faramineux pour les multinationales, qui vident les caisses des états et empêchent ces derniers d’intervenir financièrement dans les domaines non « rentables » tels que l’éducation, la culture, etc.
– Dans les pays pauvres où sont produits les objets de consommations, les conditions de travail sont en-deçà de tout ce qu’exige la décence envers l’humain. Mais en dépit du discours du « il vaut mieux un mauvais emploi que pas d’emploi », il n’y a pas augmentation de la richesse du pays ni de celle des travailleurs, autrement dit, ces points de production (les « hirondelles », nommées ainsi parce qu’elles se délocalisent aussitôt que conditions fiscales, politiques etc. deviennent un peu moins favorables) sont facteur de dissolution du corps social et politique dans ces pays aussi bien que dans les pays riches.
– Enfin, et dans la logique de cette prise de pouvoir totalitaire, la mondialisation s’accompagne de violence et de mort, et non pas dans un sens métaphorique : violence sur les employés au sein des entreprises, violence des états policiers sur les travailleurs récalcitrants, violence sur les opposants politiques ou les militants écologistes lorsque cela menace les intérêts des multinationales (6) dans les pays pauvres, violence des personnes entre elles - spécifiquement les jeunes - pour se procurer le fameux objet du désir (« tué pour ses Nike ! »). Si le modèle unique ne peut s’installer que par la force et la destruction des hommes, il s’oppose alors frontalement à la raison, tant du point de vue de sa fin (jouissance de ses droits fondamentaux pour chacun) que de ses moyens (le pacte social étant décidé raisonnablement pour assurer la sécurité de chacun).
B - Nous sommes donc bien en présence d’un idéal d’homogénéisation totalitaire, 1) parce que dans ce que nous propose la mondialisation, il y a négation de l’individu en tant que réalité particulière et séparée, 2) parce que le modèle unique veut s’imposer par la force. 1) La paradoxe en effet de la mondialisation, c’est qu’elle pose l’individu au centre de ses préoccupations. C’est le désir de celui-ci qui est mis en avant, sa liberté de choix dans l’objet de consommation. Mais, alors que le désir est en principe ce qui me sépare d’autrui, étant le pur subjectif, la production artificielle d’un désir unique fait de ce facteur le lieu même de l’identité. Le "je" est ainsi vidé de sa substance, l’individu , réduit à son désir pour un modèle de vie unique, devient en quelque sorte le genre, là où auparavant il était le pur différencié, par opposition au genre commun. L’être futur rêvé par le libéralisme aveugle est un être indifférencié, et la fausse identité tend à nier et détruire la diversité qui est le propre du vivant, faisant ainsi oeuvre de mort. À ce "je" quelconque et vide, on propose un modèle d’action tout aussi quelconque et vide, comme l’écrit Philippe Adjutor (7) : « just do it ». Le contenu de ce "it", personne ne saurait l’expliciter.
2) Le modèle unique de production, de comsommation etc., n’a d’autre choix que de s’imposer par la force, car ce qu’il veut atteindre, c’est précisément la sphère privée du désir, il veut imposer l’homogène dans le lieu de l’hétérogénéité. On a là un autre facteur essentiel des fonctionnements totalitaires : en proposant un modèle de bonheur comme horizon politique (comme l’a fait le régime stalinien, par exemple), on est en quelque sorte contraint de donner un contenu objectif au concept du bonheur, puisqu’il faut déterminer les moyens pour mettre en place des actions réelles visant à l’accomplissement de cette fin. Mais puisque le concept de bonheur n’est déterminable que par chaque individu en particulier, et qu’il est différent pour chacun, l’obligation d’un bonheur unique déterminé par un autre que moi relève du coup de force tyrannique.
Ce qui veut s’imposer par la mondialisation, c’est une forme unique, et pour ce faire, il faut détruire la diversité infinie des formes du vivant. Ainsi rêve-t-on du village global, où chacun serait à proximité de tous par l’identité du mode de vie et la rapidité des communications. Mais le village est le lieu même de l’aliénation, le contraire de la place publique où chacun peut faire entendre ses opinions politiques dans le « parler-ensemble » (8). C’est le lieu du commérage, de l’oppression du regard de l’autre sur soi, c’est la violence et la confusion de la structure familiale étendue à l’échelle planétaire. C’est l’inverse de la liberté et de l’autonomie.
C - Cela nous amène à notre troisième et dernier point, sur lequel nous concluerons, à savoir le paradoxe interne à la tyrannie de la mondialisation, qui définit la limite de son extension aveugle, et rend à la raison sa vraie place : parce que l’unité veut être introduite de force dans le lieu de la diversité, le désir et la subjectivité, c’est paradoxalement cette homogénéité qui va séparer, de même que chez Hobbes, c’est l’égalité de nature entre les hommes qui produit la guerre de tous contre tous. Si tous ont le même désir, tous vont se déchirer pour la jouissance de cet objet du désir.
Nous avons dit que le discours légitimant la mondialisation était un discours de la nécessité naturelle : "acceptons ce phénomène comme une régulation naturelle du monde, puisque nous n’avons pas plus le choix que lorsque nous tombons en vertu de la loi de la chute des corps". Mais en reproduisant artificiellement, comme nous l’avons montré, un état d’homogénéité globale parmi les hommes, le phénomène de la mondialisation va reproduire très exactement les conditions mêmes du passage au contrat social, et ce passage, c’est la raison qui l’effectue, retrouvant par la sa véritable fonction.
1 - Si l’on considère l’acte rationnel individuel qu’est la décision de contracter, pour se préserver de la nature en dehors, et de la nature humaine au dedans (passion, insociabilité, ...), comme l’origine fondatrice des sociétés, le politique est alors effectivement le lieu de la manifestation de la raison. Mais en se dotant de structures politiques et juridiques, les particuliers se dépossèdent en quelque façon de la raison en tant qu’elle fonde l’acte politique. En effet, si le contrat est passé correctement, la loi prend finalement en charge la rationnalité des actions, et de fait, l’action conforme au devoir suffit à assurer la paix civile même si personne n’agit véritablement par devoir. Nous pourrions ainsi avancer qu’à mesure que s’étend géographiquement et se généralise la légitimité de la loi, le particulier n’a plus, finalement, à prendre en charge cette exigence de légitimité dans chacun de ses actes, s’il est confiant dans la justice des lois qui le gouvernent et la légitimité de ses représentants politiques . Et de fait, combien aujourd’hui déterminent leur appartenance à une nation par l’acceptation réfléchie de ses lois fondamentales, combien obéissent à la loi parce qu’ils la croient juste, et non par peur du gendarme ? La raison qui a permis l’acte fondateur du contrat est celle qui enjoint à chacun d’obéir aux lois de la société née du contrat. Or, pour la plupart aujourd’hui, l’obéissance à ces lois ne procède plus de cet acte rationnel.
2 - Or, que provoque la mondialisation telle que nous l’avons brièvement décrite ? Elle détruit, précisément le lieu même de la raison : les lois. Elle met par ailleurs le particulier en danger, au sens le plus concret du terme (problèmes de santé publique, "malbouffe", pollution de l’environnement...). Dans une communauté civile bien constituée, si un individu ou un groupe d’individus mettent en danger les autres et le contrat lui-même, le garant du contrat, en général l’état, est supposé user de son pouvoir, coercitif si nécessaire, contre ces éléments subversifs - au sens propre du terme : qui subertit l’ordre social et produit la dissolution du corps politique. Or, dans la prise de pouvoir à laquelle nous assistons aujourd’hui, les multinationales qui devraient en principes tomber sous le coup des lois nationales lorsqu’elles menacent par exemple la santé publique, sont en position de faire condamner les États pour entrave à la liberté de commercer, situation aussi paradoxale que si les membres d’une communauté civile se retournaient, au nom de la liberté de faire ce qu’ils désirent, contre le garant du pacte social et du respect de ses lois, alors que c’est précisément cette liberté naturelle sans limite qui avait conduit à l’adoption des lois.
Par conséquent, le paradoxe de la mondialisation aveugle, c’est qu’elle menace le monde d’un retour à la violence réciproque et généralisée que l’on trouve dans l’état de nature, et ce faisant, elle oblige chacun à rendre à la raison sa place véritable, à savoir : en chacun de nous, en tant que faculté régulatrice de nos actions. Nous en voyons la manifestation dans les dynamiques de résistance qui se sont mises en place un peu partout dans le monde, en des réseaux serrés et efficaces, combattant sur le terrain même de la mondialisation, le droit, les tribunaux, et avec ses armes, celles de l’hyper commmunication moderne. On voit se former de nouveaux groupes de réflexion et de protestation, car l’imposture de cette prise de pouvoir politique par les tenants de la mondialisation aveugle oblige les particuliers à repenser les notions de pacte social et de communauté politique dans leur intégralité, ce qu’ils ne font plus, de fait, dans leur grande majorité, lorsque la communauté civile fonctionne avec des lois à peu près justes. Face aux menaces de la mondialisation, les hommes réinterrogent les fondements du politique, parce qu’il leur faut réintérroger a) la légitimité des lois qui régissent les communautés civiles ; b) la place de chacun dans ces communautés et son rapport à ces lois (obéissance par peur,par devoir, etc. ?), c’est-à-dire la fonction citoyen dans toutes ses déterminations, c) le lien politique, social et moral à autrui, au sein de la communauté.
La raison reprend donc sa place face à la mondialisation précisément parce que cette dernière gagne du terrain dans le domaine juridique national et international, détrônant ainsi la première et la repoussant dans ses retranchements, si l’on peut dire : dans chaque individu séparé des autres, chaque homme que la dissolution progressive du lien social remet en situation de conflit face aux autres, et qui se retrouve dès lors en situation originaire quant au politique. Devant la menace de mort de cet état de nature que le puissant a artificiellement remis en place, au nom de la nécessité naturelle du marché, les hommes n’a pas d’autre choix que d’être de nouveau, et avec une force nouvelle, cet animal rationnel qu’il n’a jamais cessé d’être, pour tenter de refonder la communauté politique menacée par les déréglementations de la mondialisation.
NOTES
(1) L’analyse qui suit est empruntée à Dorval Brunelle, dans : Droit et exclusion, critique de l’ordre libéral. Harmattan, 1997.
(2) Les traditionnelles analogies, en philosophie politique et en économie, du corps politique avec le corps humain, dans lesquelles le commerce représente le flux du sang, laissent entrevoir toute l’importance que prend cette activité, privilégiée, dans la représentation qui est faite de l’organisation de la société.
(3) Le pouvoir qui, selon les analyses de Hobbes, obéit lui-même toujours à la loi de l’accumulation, tout pouvoir ayant besoin de se renforcer et de s’accroître, sans quoi il est destiné à disparaître, anéanti par les autres pouvoirs.
(4) On parle ici de « volonté des multinationales », et non de volonté des chefs d’entreprises, dans la mesure où finalement, les hommes qui dirigent ces multinationales sont eux-aussi appelés à voir leur nombre diminuer avec l’extension du monopole des entreprises. Mais leurs luttes internes ne les atteignent pas profondément, puisque, comme le montre entre autres Naomi Klein dans No Logo, les mêmes individus se retrouvent plus ou moins toujours dans les places de pouvoir, à tel ou tel degré de hiérarchie dans l’entreprise, et ne déchoient pas profondément, en tant que personne. Ce qui demeure, c’est ce pouvoir protéiforme de manière interne, mais dont l’action sur le reste du monde conserve la même forme.
(5) Cassirer, Essai sur l’homme, chapitre 1, p. 38.
(6) Cf. l’affaire des Ogonis, population menacée par les activités pétrolières au Nigeria de Shell. Ils furent massacrés par le régime du général Abacha, financé et soutenu par Shell, principalement pour permettre la poursuite des activités de Shell.
(7) Article "Adolescent" du Dictionnaire de la mondialisation du GERM.
(8) Hannah Arendt, Vies Politiques - De l’humanité dans de sombres temps.
BIBLIOGRAPHIE
Arend Hannah : Vies politiques - De l’humanité dans de sombres temps ; Gallimard, coll. Tel.
Brunelle, Dorval : Droit et exclusion - Critique de l’odre libéral. Harmattan, 1997.
Cassirer, Ernst : Essai sur l’homme ; Éditions de minuit, 1975.
Garandeau, Mikaël : Le libéralisme (introduction, choix de textes, commentaires) ; Garnier Flammarion, Col. Corpus, 1998.
Hobbes, Thomas : Leviathan ; Cambridge University Press, 2000.
Klein, Naomi : No Logo, la tyrannie des marques ; Leméac Acte Sud, 2001.
Pascal, Blaise : Pensées ; Gallimard, Bibliothèque de la Pléiade.
Langue nationale et mondialisation : enjeux et défis pour le français ; Acte du Séminaire du Conseil supérieur de la langue française de la Communauté française de Belgique, le Conseil supérieur de la langue française de France, et le Conseil de la langue française du Québec, octobre 1994.
Mondialisation (La) - Origines, développement et effets. Collectif sous la direction de James D. Thwaites ; L’Harmattan/les Presses de l’Université Laval.